Cascino Trio © Lea Torreadrado

Retour sur le concert de Cascino Trio à la Cité de la Musique

Safara ou le voyage de Cascino

 

Il était un temps où chaque artiste se devait de réaliser son Grand Tour, voyage initiatique pendant lequel il se frottait aux styles des grands maîtres, aux projets de ses semblables vagabonds et, au détour du chemin, à la rencontre avec l’inattendu. Patrick Cascino est de ceux-là, qui vont chercher l’altérité où elle se trouve, « à la source, là où l’eau est pure », dit-il. Il a ramené des ses errances aux quatre coins du globe un jazz mélodique et sensible, chargé de confidences impressionnistes, aux arrangements raffinés. Ses compagnons, Charly Tomas à la contrebasse et Luca Scalambrino aux percussions et batterie, découpent une rythmique ciselée de maîtres-artisans, orfèvres en leur instrument, voluptueuse quand le tarab les prend, mais toujours d’une synchronisation diabolique. Alors, les mirages colorés de maestro Cascino s’échappent de son piano dans des clairs-obscurs d’une infinie tendresse ou bien voltigent et tourbillonnent, brusquement soufflés par les injonctions du souvenir. Dans son nouvel opus, Safara, présenté à la Cité de la Musique, le trio a invité un chœur féminin burkinabè sous la forme d’un film vidéo (en attendant leur venue en des jours meilleurs). Leur chant dialogue avec les instruments sur la scène dans une troublante fiction musicale. Des visages, une mélodie orphique, des enfants, le jeu, l’essentiel. Sur une écriture de l’image pudique et joyeuse, la musique voyage, ici, là-bas, dans un aller-retour confondant. Les distances s’abolissent définitivement quand le danseur Amédé Nwatchok vient, sur le plateau, déployer son énergie dionysiaque dans une danse d’ombre et de lumière d’une présence envoûtante. Puis le spectacle dérive au Nord. Les harmonies se colorent de teintes flamencas, le rythme emboîte le pas de la danseuse Hélène Balalas, notamment dans un tête-à-tête incisif avec les percussions.
Cascino Trio cultive des qualités précieuses. On retrouve chez les trois compères ce goût de la perfection, du travail bien fait, de l’expression sincère ; bien loin des vanités des valeurs de choc si faciles à courtiser en musique. Ce qui ne contrarie ni l’inventivité, ni la vigueur de leur jeu. Le public, debout, leur a offert sa fanfare comme au retour des marins.

Roland Yvanez

 

Cascino Trio était en concert le 4/03 à la Cité de la Musique (4 rue Bernard Dubois, 1er).
Pour en (sa)voir plus : www.cascino.org