Pièce slam mêlant théâtre, musique et krump de Mbae Mohammed Tahamida aka Soly (40'). Mise en scène : Estelle Ntsende. Musique live : Salif Diarra. Musique krump : Mozarf. Représentation suivie d'une rencontre avec l'équipe artistique, dans le cadre des ALCAN - Assises des Luttes Contre l’Afrophobie / Négrophobie proposées par le collectif Les Rosas
Élégie d’exil est une pièce slam, qui mélange le théâtre, la musique et le krump. Elle dévoile l’intimité d’une famille comorienne, vivant dans les quartiers Nord de Marseille, qui perd pour la seconde fois l’un de ses fils, tué dans des règlements de compte liés aux trafics de drogue. Une tragédie marseillaise très contemporaine, puisqu’elle connaît depuis ce début d’année 2023, une quarantaine de morts liées à la drogue. À travers le portrait de cette famille comorienne, il y a une nécessité de porter un regard neuf, sensible, sur ces personnages trop souvent jugés par les médias et par les politiques. Une volonté de transformer ce regard zoologique posé sur ces êtres, ces familles et d’ouvrir les imaginaires, en renversant leur image souvent dépourvue d’humanité puisque renvoyant à la figure du monstre, de l’animal, de la racaille.
En leur redonnant cette humanité enlevée, ils redeviennent des êtres, portant en eux une histoire universelle et complexe, dans laquelle humainement tout le monde peut se refléter et ainsi se retrouver. Ainsi, cette pièce permet la réconciliation entre les générations, entre les milieux sociaux, permet aussi la réparation des corps et des récits, grâce à la puissance du théâtre, lieu des possibles. Ici, leurs voix deviennent audibles et laissent entendre ce cri du coeur, cette élégie qui porte à nos oreilles la déchirure d’une ville face à cette fracture sociale entre le centre et les banlieues. Élégie d’exil aborde des thématiques telles que l’exil, l’héritage, la mémoire, le deuil, la santé mentale, l’amour au sein d’une famille, les violences des trafics, ainsi que l’impuissance d’une partie de ces populations face au poids de la précarité dans ces secteurs ghettoïsés. Une mise en lumière d’une réalité ancienne et très actuelle, nous concernant toutes et tous, qui nous mène à réfléchir sur notre responsabilité collective, au sujet du sort des banlieues et des trafics de drogue qui les gangrènent.
M’baé Tahamida Mohamed dit Soly ; auteur, compositeur et slameur ; est l’un des pionniers de la culture hip-hop à Marseille. Avec son groupe B.VICE, il a accompagné des générations d’artistes ( Soprano, Alonzo et Vincenzo des Psy 4 De la Rime, Algérino, Kenza Farha…) au travers de l’association Sound Musical School VICE. Lorsque le groupe se sépare en 1998, Soly continue de mettre en mots ses cris du cœur et d’écrire en vers ses maux. Sensible aux causes sociales et humanitaires, ce médiateur socioculturel a toujours mis son art au service de la prévention, la prise de conscience et la solidarité, notamment par l’écriture de pièces musicales et la mise en scène de ses textes. C’est ainsi qu’il développe régulièrement des projets interculturels et intergénérationnels autour de la mémoire et des racines par le biais du chant, du slam, de la poésie ou du théâtre.
Le fils : Kenny Brochant aka Rockshin
La mère : Marisoa Ramonja
Le père : Mbae Mohammed Tahamida aka Soly
La sœur : Estelle Ntsende
Créateur lumière: Loïc Virlogeux
Les ALCAN Assises des Luttes Contre l’Afrophobie / Négrophobie, sont initiées et organisées à Marseille depuis 2014 par Les Rosas, collectif afroféministe et panafricanisme. A travers une démarche intersectionnelle, elles mènent des missions contre la discrimination et pour l’élévation des femmes afrodescendantes. Pour les 10 ans de lutte, divers événements, mettant à l’honneur le travail d’artistes et créatrices afrodescendantes, se tiendront dans plusieurs lieux de Marseille, du 19 novembre au 15 décembre 2023.
Article paru le mercredi 22 novembre 2023 dans Ventilo n° 491
Élégie d’exil de Soly
À quelques exceptions près (on vous conseille notamment les
enquêtes sur le sujet de
Mediavivant), le traitement médiatique des homicides liés au trafic de drogue à Marseille oscille généralement entre sensationnalisme et statistiques macabres, omettant sciemment la dimension humaine de ces drames répétés. Pionnier de la culture hip-hop à Marseille mais aussi médiateur socioculturel, M’baé Tahamida Mohamed dit Soly utilise ici la force du récit pour renverser le regard que l’on porte aux populations des quartiers Nord, « des êtres portant en eux une histoire universelle et complexe. » Mêlant théâtre, poésie, musique et krump dans cette « pièce slam », il nous embarque dans l’intimité d’une famille comorienne dont le fils a été tué lors d’un règlement de compte. Leur complainte douloureuse nous met face à notre responsabilité collective, leurs maux trouvant enfin des mots pour exprimer l’exil, la ghettoïsation, la précarité, le deuil, mais aussi la transmission et l’amour au sein d’une famille.
CC
> Le 6/12 au Théâtre de l’Œuvre (1er)