Les structures OTTO-Prod, Art-cade*, M2F Créations | Lab GAMERZ & D.D.A Diffusing Digital Art présentent une première exposition monographique des oeuvres de l’artiste Paul Destieu à la Galerie des grands bains douches de la Plaine.
Paul Destieu s’inscrit en observateur sensible de la propagation des technologies au sein de nos sociétés. Il s’intéresse aux évolutions technologiques et à leurs enjeux, plus précisément aux statuts de l’image, à ses transformations, à ses modes de création, de diffusion et de consommation. Son travail opère des glissements discrets entre sources, supports et techniques. À travers ses différentes expérimentations, Paul Destieu investit la singularité de divers média - qu’ils soient numériques ou analogiques - pour mieux comprendre leurs limites, les esthétiques qu’ils produisent ainsi que la dimension politique qu’ils véhiculent par leur inscription dans leur époque.
Du système à la matière
En isolant différents types de matériaux (techniques, mécaniques et leur portée symbolique), l’artiste cherche à en révéler la structure et élabore une syntaxe en utilisant des processus de « collage », de surimpression ou d’entrelacement. Ses oeuvres consistent ainsi en la création d’un langage « remanié » qui permet de redéfinir la manière dont l’homme « outillé » perçoit son environnement. L’image, le son ne sont plus ici compris comme détachés de leur support et de leur source, mais forment avec eux un tout organique, matière sonore et matière visuel devenant un organisme témoin de son époque.
Métrique par défaut
C’est en examinant les productions sonores et les « mécanismes-horloges » de différentes machines (caractérisées par les notions de performance et de productivité) que s’est imposée à Paul Destieu la compréhension du son comme architecture dynamique et la conception du rythme comme mesure subjective du temps. Chaque machine, envisagée comme média et outils de création, devient alors un instrument musical possible dont la morphologie et le potentiel sonore sont expérimentés en collaborations avec des musiciens. Par des opérations d’assemblage, de détournement, de décomposition ou d’association, l’artiste sonde leurs modalités d’expressions rythmiques. Physicalité de l’instrument, gestuelle, mouvement, orientation de l’écoute, système de notation, composition sont autant de motifs qui dessinent l’orientation de ses dernières productions.
Anachronismes et chaos techniques
Paul Destieu s’intéresse aux formes de transmissions du signal : modes de diffusion de l’information, temps réel ou différé, etc. et à ses transformations (par amplification, encodage, etc.), en jouant sur le passage entre ces différents états (de nature mécaniques, électriques ou encore numériques). Ses travaux exposent les altérations produites, dans ce processus de transformation et d’adaptation : perte ou distorsion d’une partie de l’information, aberrations visuelles ou sonores, défauts de restitution. La notion de geste (notamment le geste qui précède le son chez le musicien) devient alors un enjeu central de sa recherche. Paul Destieu réinvestit avec des outils contemporains les techniques de séquençage et d’appréciation du mouvement héritées des courants artistiques modernes et de la chronophotographie. Marqués par une tendance à l’anachronisme, ses travaux cherchent tantôt à mesurer la capacité de propagation et de résistance du signal dans son environnement, tantôt à traduire sa durée en une forme.
En articulant ces compositions hybrides à la croisée de l’écoute et du regard, Paul Destieu questionne l’architecture de nos perceptions et de ce qui fait ‘langage’. Il donne vie à des dispositifs, des installations et des performances dans lesquelles la structure -visuelle ou sonore- cherche à s’affranchir de l’autorité des formats pour partager une expérience en mettant littéralement en jeu les concepts de temps, d’espace et de mouvement.
Zac Maza