Zigmund Follies © Claire Leroux

Zigmund Follies par la compagnie Philippe Genty

Sigmund m’était conté

 

Entre jeux de mots et jeux de mains, Zigmund Follies de Philippe Genty est une œuvre autant introspective qu’extravertie, qui sonde l’âme tout en stimulant nos zygomatiques. Un bouquet délicieux de sensations aigres-douces.

 

Exubérante, décapante, tordante, euphorisante, intrigante : les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cette création née en 1983 sous le titre Sigmund Follies, puis légèrement rebaptisée et reprise au début des années 2000. Une pièce de marionnettes pour quatre mains et une tête : deux comédiens manipulateurs, Philippe Richard et Eric De Sarria, lequel s’emploie également à incarner le narrateur humain.
A l’issue de la représentation, c’est par ce dernier que le public s’est vu exposer certaines sources d’inspiration qu’il aurait pu ne pas déceler, telles que The Goon Show (années 50, BBC) pour son surréalisme, la BD Philémon de Fred pour son visuel audacieux ou encore les animations de Terry Gilliam lors d’une incroyable séquence en papier découpé. Un éclairage également sur les thèmes abordés par l’auteur, dont on trouve des réminiscences dans l’ensemble de son œuvre : la dérive, le voyage immobile, le passager clandestin, la paranoïa, le rapport au père, la schizophrénie… Autant de sujets graves auxquels Philippe Genty n’a eu de cesse de se confronter, sans doute pour mieux combattre ses démons.
Ces thématiques sont ici abordées sous la forme d’une odyssée onirique, psychédélique et torturée, narrant les aventures intérieures burlesques d’un conteur perdu dans sa propre histoire et qui en cherche la sortie. Une plongée abyssale dans un monde où les objets ont une âme, portée par une plume subtile qui fait la part belle aux calembours, joue sur les mots et leurs doubles sens, d’un surréalisme qui n’est pas sans rappeler parfois le regretté Raymond Devos. Dans cet univers décalé, un chapeau travaille du chapeau, on fait feu de tout bois par les flammes, une scène sifflée nous évoque Bugs Bunny poursuivi par Elmer Fudd, des collages en carton-pâte nous renvoient aux Monty Python… Si l’écriture fait preuve d’un doux raffinement dans l’art du (tragi-)comique, la scénographie s’avère tout autant sophistiquée, usant de maintes techniques avec maestria : manipulation de marionnettes, forcément, mais aussi collages, pyrotechnie, vidéo ou bien audio qui (se) jouent de tous nos sens.
Le narrateur traverse des mondes peuplés de truculents personnages clefs qui en sont vraiment (en ouvrant les portes qui conduisent vers la sortie du récit), pour autant de situations incongrues qui alternent entre légèreté poétique, humour débridé et absurde à son paroxysme. Tout fait brillamment sens : ces tableaux qui nous font rire, autant qu’ils nous intriguent parfois, semblent faire appel à quelque souvenir inconscient, soigneusement enfoui. Une double lecture permet au jeune public de ne pas se sentir lésé, non loin du Petit Prince de Saint-Exupéry par le recours à une symbolique forte à travers un langage accessible à tous. Sous une légèreté de façade, une certaine gravité habite ce conte philosophique, laquelle mue en gravité certaine dans son dernier acte.

Sébastien Valencia

 

Zigmund Follies par la compagnie Philippe Genty était du 3 au 6/11 au Théâtre Toursky.

Séance de rattrapage : le 14/11 au Théâtre de Fos, dans le cadre du Temps fort marionnettes de Scènes & Cinés. Rens. : 04 42 11 01 99 / www.scenesetcines.fr

Pour en (sa)voir plus : www.philippegenty.com