Yvonne et les garçons

Yvonne et les garçons

Le Théâtre de Proposition est en ce moment le témoin de bien étranges fiançailles : celle d’une pièce polonaise de 1938 avec une troupe de déjantés, aussi drôles qu’inquiétants. Yvonne, princesse de Bourgogne façon Isaac Babel nous balance au visage les horreurs de l’humain. Un travail sur la conscience, la folie et le déni du langage, « en toute excentricité »… (lire la suite)

Le Théâtre de Proposition est en ce moment le témoin de bien étranges fiançailles : celle d’une pièce polonaise de 1938 avec une troupe de déjantés, aussi drôles qu’inquiétants. Yvonne, princesse de Bourgogne façon Isaac Babel nous balance au visage les horreurs de l’humain. Un travail sur la conscience, la folie et le déni du langage, « en toute excentricité »…

A la cour du roi Ignace, on s’ennuie ferme. Surtout les jeunes gens en mal de frivolité. Le prince Philippe se lasse des courtisanes médiocres, et se détourne de la bagatelle. En quête de sensations fortes, il décide d’amorcer un jeu cynique en se fiançant avec Yvonne, créature chauve et apathique, certainement la plus vilaine du royaume. L’héritier en caleçon moulant n’a pas idée de la sinistre machine qu’il vient d’enclencher. Au contact de la donzelle, la famille royale ainsi que son entourage vont se voir révéler ses défauts les plus vils et ses secrets les plus lourds. Peureuse mais arrogante derrière son mutisme, Yvonne renvoie ceux qui la côtoient à la vacuité de leurs âmes, et les rend, l’un après l’autre, fous et dépressifs. Elle ira jusqu’à réveiller en eux des pulsions meurtrières…. Il faut dire qu’elle l’a bien cherché, cette satanée Yvonne ! Craintive, illuminée, mollassonne en puissance, le personnage — efficace — en vient même à taper sur les nerfs du spectateur, pris en otage devant un misérabilisme imposé : nue comme un ver et se tortillant sur le sol froid de la scène, le regard implorant (ou vide ?), on prie tout haut pour que les « monstres » de la cour achèvent les souffrances de la malheureuse. Pitié ! Les autres personnages ne manquent cependant pas de couleur, même si leurs coiffes alambiquées font resurgir en vous des souvenirs de Mad Max et de corsets Jean-Paul Gauthier. Le personnage du prince Philippe, aussi violent que malsain, fait ici merveilleusement écho à un père violeur, lâche, et à une mère hystérique et schizophrène. Au final, une pièce plus surprenante que désagréable.

Jennifer Luby

Jusqu’au 18/12 au Théâtre de Proposition (5 rue Jean-Marc Cathala, 2e). Rens. 04 91 91 58 66