Ceux qui restent de William Guidarini

William Guidarini – Ceux qui restent au Garage Photographie

Si loin, si proche

 

Le Garage Photographie présente à la fin du mois une nouvelle expo signée par son fondateur, en aperçu d’un ouvrage réalisé avec Laura Serani, à découvrir brièvement avant son acheminement à Arles pour les Rencontres de la Photographie en juillet.

 

Le travail de William Guidarini se positionne d’abord dans une démarche documentaire de la photographie : une conception qui s’est inscrite très rapidement dans l’histoire du médium à travers de grands noms du genre comme Robert Capa, Walker Evans ou Robert Frank. Dans ce sens, on peut noter la polysémie heureuse du mot « démarche », qui renvoie aussi à l’idée de la marche, inhérente à ce type de pratique. Déambulation, parcours, découverte : le titre de l’exposition en lui-même évoque déjà ces notions (Ceux qui restent), tout en suggérant les constats qui se tirent dans le même mouvement. Dans ce projet, l’auteur s’est lancé, cinq ans durant, dans l’exploration de territoires d’Europe de l’Ouest : il en revient avec des images en noir et blanc caractéristiques de sa pratique et qui témoignent d’un univers en cours de redéfinition. Il s’agit là d’une étrange mise en abîme que de chercher à cerner la trace d’une évolution et du temps qui passe dans un territoire proche du nôtre, tendant ainsi à une forme d’introspection sociale…
Le traitement plastique des images, leurs forts contrastes et la palette chromatique réduite viennent cependant se poser comme un filtre et créer un réel décalage dans notre perception. On est à la fois en terrain familier et étranger : il y subsiste ainsi comme une inquiétante étrangeté…
Il y a également quelque chose d’intéressant dans le rapport du photographe au corps humain : ceux qu’il capture semblent eux aussi nous échapper. Pas de visages frontaux, pas d’expressions franchement cernées : les visages se tournent et se détournent. Devant nous, les personnages sont là mais déjà inaccessibles. Ils jouent comme quelque chose par essence indéfinissable, qui se dérobe alors que nous pensons y toucher : à l’instar, peut-être, de ces autres que nous côtoyons dans notre quotidien et nos voyages, et croyons rencontrer et découvrir. En ce sens, ces portraits jouent comme une fresque intime, des bribes d’un ressenti vis-à-vis d’une ville et de ses habitants. On parle du territoire par le biais de ceux qui l’habitent : d’où ces portraits au format paysage, où les corps deviennent des éléments urbains expressifs.
Paradoxalement, c’est parfois lorsqu’elles sont exemptes de corps ou de visage humain que les photographies semblent les plus habitées. En témoigne cette photographie de mur d’une ville d’Italie, où un visage peint occupe toute la hauteur de l’image, humanisant et déréalisant à la fois cette prise de vue frontale.
Et en fait de documentaire, on dérive donc vers une forme de témoignage direct, passant ainsi d’une impossible objectivité à une subjectivité assumée…

Estelle Wierzbicki

 

William Guidarini – Ceux qui restent : du 30/05 au 14/06 au Garage Photographie (12 avenue Gaston Bosc, 9e).
Rens. : 09 53 84 57 00 / 06 16 38 60 89 / legaragephotographie.com

Livre Ceux qui restent de William Guidarini, texte de Laura Serani (Arnaud Bizalion Editeur), disponible dès le 22 mai.