La cité des morts de Jocelyne Saab

Week-end Frénétique au Polygone Étoilé

L’image électrique

 

C’est l’une des meilleures nouvelles cinématographiques de cette fin d’année ! Alors que l’on craignait pour l’existence du Polygone Étoilé, la salle de la rue Massabo — qui inscrit tout autant la fabrication et la diffusion du film dans une même dynamique — nous revient, formidablement vivante, avec un Week-end Frénétique, du 13 au 15 décembre.

 

Malgré le dynamisme du combo La Baleine / Le Gyptis, du défrichage de l’équipe du Videodrome 2, du changement de propriétaire des Variétés / César — malheureusement pas toujours à la hauteur des attentes suscitées — et du sillon indéfectiblement labouré par l’Alhambra, la tendance peine à s’inverser, et beaucoup s’accordent, au regard des autres grandes villes hexagonales, à déplorer encore un manque d’écrans et de diversité dans la cité phocéenne : le cinéma de recherche, voire hors industrie, se révèle bien peu présent, on constate un vide quasi total de films du répertoire en programmation et les petites perles en distribution ne restent guère longtemps à l’affiche. Sans oublier l’absence abyssale de nouvelles formes d’expression de l’image en mouvement. C’est dire à quel point l’existence d’une salle majeure comme le Polygone Étoilé, qui fabrique, pense et montre le cinéma autrement, reste vitale dans un paysage souvent formaté. Les nouvelles du front étaient ces derniers mois particulièrement funestes, et l’on craignait tout bonnement une disparition tragique de ce lieu marseillais majeur. Avec le Week-end Frénétique, la trentaine de films projetés et tous les projets à venir, c’est l’essence même de ce lieu unique qui vient ici nous rappeler son importance, en écho avec la manière dont l’histoire du cinéma s’est écrite, loin des panégyriques officiels, au plus près du réel. Comme le souligne Jean-François Neplaz, « le Polygone a été le premier lieu en France à accueillir des résidences de cinéastes, dans la configuration qui est la nôtre. La diffusion n’a jamais été l’axe principal, il s’agissait avant tout de soutenir la création et d’expérimenter en public le travail réalisé, toujours avec un principe de gratuité. Des films qui se sont retrouvés ensuite dans de nombreux festivals, du Réel à Paris au FID, jusqu’à Locarno. Ce rôle, nous continuerons à le tenir avec tous les projets qui sont les nôtres, jusqu’à l’acquisition d’un scanner numérique — nous sommes aujourd’hui soutenus par toutes les institutions, il ne reste que le Département dont on n’ose penser qu’ils ne suivront pas leur engagement. Il s’agit donc de résoudre la question des cinémathèques, travailler sur ce terrain, et du point de vue des auteurs. En allant fouiller l’histoire, en y associant la restauration et la numérisation de films, l’édition de livres, nous comblons un chaînon manquant de la création, et c’est tout un travail que nous mettrons sur la table durant ces trois jours. » Dont acte, avec une programmation foisonnante et passionnante où le cinéma semble se réinventer sous nos yeux, reformuler ses langages, des films de David Yon à ceux de Jocelyne Saab, en passant par ceux de Claudia Mollese, Raphaëlle Paupert-Borne, Nathalie Hugues ou Sylvie Nayral. Un cinéma électrique parfaitement conscient de son histoire et propre à construire un avenir exaltant d’une image en mouvement.

 

Emmanuel Vigne

 

Week-end Frénétique : du 13 au 15/12 au Polygone Étoilé (1 rue Massabo, 2e).

Rens. : 09 67 50 58 23 / http://www.polygone-etoile.com