Variation autour de Barbe Bleue

Variation autour de Barbe Bleue

L’homme qui aimait les femmes

La semaine dernière, les compagnies Traümerei et L’Arpenteur mettaient Barbe-Bleue à l’honneur. Variations autour du conte de Perrault à travers deux versions a priori très éloignées.

Barbe-Bleue-C-Alexandre-Man.jpgPour Elle criait tout bas, la compagnie Traümerei a choisi l’adaptation écrite en 1902 par le Belge Maurice Maeterlink. Dans cette version, les six épouses décident de rester auprès de leur bourreau par peur de l’inconnu. Prisonnières consentantes, elles errent à demi-mortes dans un espace indéterminé. La pièce se déroule en une succession de tableaux mis en valeur par un jeu d’ombres et de lumières faisant apparaître et disparaître ces âmes perdues dans les ténèbres. Brrr ! Si la compagnie réussit parfaitement à rendre palpable cette chape de mort et d’angoisse qui pèse sur les personnages, sa « réécriture morcelée » — une première étape de travail — manque d’un fil conducteur qui donnerait une cohérence à l’ensemble et permettrait de faire évoluer le propos. A suivre, donc…
Dans la version de la compagnie L’Arpenteur, tirée du texte de Dea Loher, le personnage de Barbe-Bleue est plus proche de Landru que du monstre de Perrault. Cet homme plutôt discret exerce un charme irrésistible sur les femmes et souffre d’une malédiction qui le pousse à tuer, comme il tue Juliette qui l’aime « au-delà de toute mesure ». Henri Barbe-Bleue est ici vendeur de chaussures pour femmes, mais ce sont les jambes qui attirent le plus ses faveurs. Jambes omniprésentes que nous voyons danser, se chausser, se déchausser et traverser les fantasmes d’un homme condamné à tuer perpétuellement la même femme dont seuls le prénom et les chaussures changent. Les lieux, les situations, les femmes se confondent et se répondent jusqu’à transporter le spectateur dans l’atmosphère légère d’un rêve. Servie par son texte, souvent très drôle, la justesse de ses acteurs et une mise en scène sobre et poétique, Barbe-Bleue, Espoir des Femmes nous plonge dans un trouble enchanteur.

Texte : Johanne Ranson
Photo : Alexandre Manzanares

Elle criait tout bas par la Cie Traümerei était présenté les 22 & 23 aux Bancs Publics.
Barbe-Bleue, espoir des femmes par la Cie L’Arpenteur était présenté du 21 au 24 au Daki Ling.