Upside down

Upside down

Dans le cadre du festival de Marseille, Michel Kelemenis programme dans son studio « Question de danse, question d’artistes ». Chaque soirée présente le travail en cours de deux compagnies dans un jeu du dialogue et des extrêmes… (lire la suite)

Quel écart peut-on envisager entre L’adapté de Mourad Merzouki et Ersatztrip du collectif Cube ? D’un côté, le hip-hop cherche à se détacher d’un répertoire de figure et de culture (la rue). De l’autre, le regroupement de supports et d’individus crée des situations proches de la « non danse ». Avec L’adapté, Mourad entrecroise ses pièces chorégraphiques des dix dernières années. Une manière de faire le point et d’entendre le regard du public sur la place du hip-hop dans la danse contemporaine. Le hip-hop dans un théâtre est une situation piège, parce que sa force, c’est son improvisation, ses happenings du corps dans des « No limit ». Une culture urbaine avec un message identique et une appartenance à une situation géographique (on se retrouve au même endroit). Dans le théâtre du dehors, le spectateur est un acteur, il joue le jeu de s’exposer aux yeux des autres, il vient avec ses idées, il réinvente un bout d’espace. Dans le théâtre du dedans, le hip-hop s’expose frontalement, il frôle la scène du R’n’B et le jugement du public. Il vit sur un équilibre précaire : le jeu des comparaisons, l’invention d’un synopsis, le costume, le temps de jeu minuté. Le hip-hop prend le risque de perdre de sa sincérité, parce que la danse contemporaine a grandi dans un théâtre. C’est un peu ce que nous dit le collectif Cube qui occupe le carré de la scène et ses sorties avec une simplicité déconcertante. On marche, on grimace, on porte un masque peint sur la peau, Des individus apportent des objets et construisent un totem. On rentre dans le cérémonial, dans l’univers du souvenir, entre maintenant et l’adolescence. Des pulsions s’expriment par la vidéo, le chant, le sample. La danse devient un support : projetée sur un tee-shirt, acheminant des objets (une forme de rituel). Christian Ubl entrechoque les parcours et les assemble, à la limite du désordre ; on frôle le minimum du mouvement. La beauté et la pertinence d’Erzatstrip, c’est ce côté indécis, là où l’ordre des choses peut changer. Christian Ubl et Mourad Merzouki se posent des questions, sur ce qu’ils ont été et ce qu’ils souhaitent devenir. Sur ce que la danse leur a donné et ce qu’ils en font. Chrsitian Ubl s’interroge sur la nécessité du chorégraphe. La danse doit-elle être dansée et dirigée ? « Questions danse, questions d’artistes » vit dans cette opposition des formes et des propositions. Le spectateur s’engouffre dans l’entre-deux, le théâtre devient plus que jamais un carrefour d’idées et de reconnaissances. Ce qui réunit le hip-hop à la danse contemporaine, ce sont les relations urbaines, là où le débat avance toujours plus loin, au-delà des traditions, des coutumes et des usages.

Karim Grandi-Baupain

L’adapté de Mourad Merzouki et Ersatztrip du collectif Cube étaient présentés les 10 et 11/06 au Studio Kelemenis.

A suivre :
Le 1er et le 2/07 : L’intérieur est toujours trop étroit par le collectif Ex Nihilo et Einem… par la Daghda dance company. Le 10 et 11/07 : Urgence par Karim Sebbar et Hors d’ici par Séverine Rième. Rens. 04 91 99 02 50