Une veillée singulière par le Théâtre de Cuisine

Une veillée singulière par le Théâtre de Cuisine

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Recette d’antan

En trente ans d’activité, le Théâtre de Cuisine a gagné ses « étoiles » dans le théâtre d’objets, avec une maîtrise technique de plus en plus affûtée et des comédiens au service de cette poésie scénique. C’est au cours d’Une veillée singulière que Christian Carrignon et son équipe ont embarqué le public dans les coulisses de leur restaurant, livrant les ficelles de la construction tout en conservant précieusement leurs secrets de fabrication.

Connaissez-vous le théâtre d’objets ? Un bricolage insolite qui détourne n’importe quelle babiole pour en faire, avec deux projecteurs et trois bouts de scotch, la vedette d’un plateau de théâtre. Claire siffle Duke Ellington, Hadi ouvre la malle en bois ; ils ne se sont pas revus depuis vingt-cinq ans, portent tous les deux la marque du feu et vont prendre le temps de partager leurs souvenirs d’enfants ici, maintenant. Rassemblés sous un chapiteau, assis confortablement sur des gradins faits maison, les spectateurs de la Belle de Mai — pas ceux de la Friche ou du Massalia, mais les habitants du quartier — sont prêts à revivre, avec les comédiens, les aventures qui les lient intimement depuis tant d’années. Ainsi, quand Claire et Hadi (leurs vrais prénoms) parlent du quartier, le spectateur (re)devient le voisin, témoin convié, l’espace d’une soirée, à fouiller dans cette histoire familiale : un grand-père savant préhistorique, taiseux mais attachant, un domaine en ruine, un incendie…
Rien de transcendant dans la fiction issue de la malle de Papy-tonton (personnage central de la pièce), mais Claire Latarget et Hadi Boudechiche forment un duo frais et souriant, à la complicité parfois ambiguë, et, dès que les objets s’animent grâce aux jeux d’ombres et de lumière, petits et grands s’étonnent et s’approprient ce récit généalogique. Après avoir accueilli le spectacle à la Friche, le Théâtre Massalia a souhaité proposer cette forme dans trois structures sociales, estimant que la veillée, vieille comme le monde, n’a pas besoin du théâtre pour exister. Et c’est bel et bien une soirée singulière qu’il nous a proposée : chacun, toutes générations confondues, a partagé un moment accessible et émouvant, à l’image des anecdotes contées par papy au coin du feu, en évitant le piège de la franchouillardise. Enfin, il était appréciable de rencontrer un public éclectique de Marseillais (profanes !) et d’échapper ainsi aux « cultureux », grands habitués des salles obscures. La question de la démocratisation du théâtre est toujours d’actualité : il suffit parfois d’en faire l’expérience pour sentir que la réponse est bien moins théorique qu’il n’y paraît…

Texte : Diane Calis
Photo : Paolo Cafiero

Une veillée singulière était présenté du 19 au 22/04 à la Salle Seita (Friche la Belle de Mai), le 26/04 à la Salle de la Galerie de Fuveau, le 27/04 à la Maison pour tous Belle de Mai et le 28/04 à l’Harmonie de l’Estaque. Programmation : Théâtre Massalia