Prima della rivoluzione de Bernardo Bertolucci

Un vent de liberté (autour de mai 68) à l’Institut de l’Image

Sous les pavés, l’image

 

Le cycle que l’équipe de l’Institut de l’Image consacre en juin au cinquantenaire de Mai 68 offre, par la finesse de la programmation, l’occasion de revenir non pas sur l’événement même, mais sur tous les mécanismes qui l’ont précédé et suivi.

 

À l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, il flotte dans les salles hexagonales un parfum mêlé d’histoire, de nostalgie, d’interrogations, de questionnements des luttes. Car si certains esprits chagrins s’interrogent sur la récupération d’un pan majeur de l’histoire du vingtième siècle (c’est certes parfois le cas), il semble plus que nécessaire de se questionner sur les mécanismes sociaux, politiques et culturels qui ont conduit au point d’orgue de ce joli mois de mai, et d’en définir les impacts réels imprimés dans la marche de l’histoire, jusqu’à nos jours. Le cinéma et la littérature en furent naturellement les reflets directs. Il faut lire les écrits du sociologue (et un temps situationniste) Henri Lefebvre, qui le premier s’est « intéressé au quotidien et en a montré tout à la fois la richesse cachée et les implications profondes, la dimension aliénée et aliénante et les ressorts pour l’émancipation. » L’équipe de l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence s’empare aujourd’hui de cette question de la représentation de l’histoire via l’image en mouvement, avec un cycle qui possède l’intelligence d’éclairer Mai 68 à travers une poignée d’œuvres ayant précédé ou suivi les événements. Une manière subtile d’user du cinématographe pour incarner Mai 68 dans un contexte beaucoup plus global. Ainsi, la programmation proposée remonte à 1933, avec l’inoxydable Zéro de conduite de Jean Vigo, qui porte en son germe toute la révolte d’une (jeune) société lassée de la rigidité institutionnelle. Parallèlement, deux autres films majeurs préfigurent aisément le souffle de contestation à venir : l’Italien Prima della rivoluzione de Bernardo Bertolucci, en 1964, et La Chinoise de Jean-Luc Godard, en 1967. Deux opus — magnifiques ! — récemment restaurés en numérique nous plongent ensuite dans les mécanismes même des événements de Mai 68 : Le Droit à la parole de Jacques Kébadian (invité pour l’occasion lors de la séance de L’Île de Mai) et Michel Andrieu, et Mai 68, la belle ouvrage de Jean-Luc Magneron. Images d’archives, témoignages, éclairages affinent les regards en contrechamp de celle exprimée dans les mass médias. La question de l’après est alors posée par le reste de la programmation, dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan, qui rappelle la convergence des luttes, en l’occurrence féministes, durant cette courte période, ou Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni, sans omettre l’excellente série en cinq épisodes de Rainer Werner Fassbinder, Huit heures ne font pas un jour. Jusqu’à la projection du film de Bertrand Bonello, Nocturama, dans lequel la question de l’intemporalité des luttes (révolte politique et rejet de la société de consommation) reste toujours si prégnante.

 

Emmanuel Vigne

 

Un vent de liberté (autour de mai 68) : du 2 au 26/06 à l’Institut de l’Image (Salle Armand Lunel, Cité du Livre, 8/10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org
Le programme complet du cycle « Un vent de liberté (autour de mai 68) » ici