Un journal meurt : pourquoi ?

Un journal meurt : pourquoi ?

Un exploit ! Le Ravi aura régné sur son empire, Marseille et la Provence-Alpes-Côte d’Azur, un jour de plus que la reine d’Angleterre. Le 9 septembre, le journal régional pas pareil, dédié corps et âme à la satire, à l’enquête et à l’éducation aux médias, a donc déposé le bilan, première étape d’une rapide liquidation.
Fini de rire ! Cette fois, après dix-neuf années de rudes batailles, les salarié·e·s, journalistes, administratrices et administrateurs bénévoles de la Tchatche, l’association éditrice du mensuel, baissent les bras. C’est l’heure des remerciements, pour celles et ceux, encore au printemps dernier, qui se sont mobilisé·e·s afin de sauver le titre et ses actions d’éducation populaire. Pour les abonné·e·s, plus de 6 000 depuis le début de cette aventure éditoriale…
C’est l’heure aussi des premiers bilans. Un journal meurt. Pourquoi ? Les causes sont multiples bien sûr. Citons la crise de la presse papier et de sa diffusion. À Marseille, les kiosques servent désormais à vendre des donuts, des sushis ou des cactus… Avouons la fatigue d’une petite équipe, sous-dimensionnée, trop occupée à survivre pour mener à terme, face au mur de l’argent, tous les chantiers nécessaires : féminisation de la rédaction, transition numérique, « ravilution » afin de proposer de nouvelles formes… Mais le lâchage quasi-total des pouvoirs publics a pesé lourd pour notre association, bien qu’auto-financée à 80 % (encore un exploit !).
La région (Muselier) et le département (Vassal), en dépit de leur amour affiché pour le dessin de presse, l’éducation aux médias et le pluralisme, ont verrouillé leurs portes. La ville de Marseille (Payan) a réagi bien trop tard, bien trop peu. Le « soutien aux médias indépendants » était pourtant au programme du Printemps Marseillais. Cerise sur le pudding : l’État tarde à distribuer ses maigres aides aux médias citoyens.
Le gouvernement est à l’inverse très généreux avec les milliardaires qui s’accaparent la presse, comme Rodolphe Saadé, le futur patron de La Provence. Et toutes les collectivités locales, dans une grande opacité, investissent chaque année des sommes considérables dans les médias : trois millions pour le département, deux millions pour la ville de Marseille. Des chiffres à préciser, partiels et obtenus au forceps (la région tarde encore à les communiquer).
L’information est un bien commun, un droit inscrit dans notre constitution, qui ne devrait ni dépendre d’une pure logique de marché, ni être soumis à une gestion clientéliste des aides publiques. Autant de combats à mener. Le Ravi baisse les bras, d’autres, dont de nombreux « ravis », les lèveront à nouveau…

le Ravi