Oncle Vania de Tchekhov © Marion Le Meut

Trois Tchekhov à la Criée

Jeux d’échecs

 

Directeur et fondateur du Théâtre Studio d’Alfortville, Christian Benedetti définit ce lieu comme un laboratoire de recherche scénique. Dans cette optique, il s’est lancé le pari de monter l’intégralité de l’œuvre dramatique de Tchekhov. Dont acte avec La Mouette, Oncle Vania et Les Trois Sœurs, présentées récemment à la Criée.

 

Les pièces de Tchekhov présentent des personnages en attente de vivre, dans la langueur d’une existence provinciale, envieux des lumières de la ville et des aventures qu’ils y projettent. Dans La Mouette, les personnages sont détruits par leurs ambitions perdues. Ceux d’Oncle Vania s’aiment en quinconce, ratant celui qui aurait pu répondre à leur amour. Enfin, chacune des Trois Sœurs reste sur sa faim, d’honneur ou d’amour. Des personnages résignés. La dérision est pourtant omniprésente chez Tchekhov, comme un ultime revers du sort pour supporter l’ennui. On rit des situations ridicules, du mordant de certaines répliques.
Benedetti fait sien le credo de Tchekhov : « Il faut effrayer le public, il sera alors intéressé et se mettra à réfléchir une fois de plus. » C’est effectivement de la place du spectateur dont il est question. Il s’agit de ne pas le laisser tranquille, de le forcer à une attention accrue pour laisser le texte se déployer.
Pas de superflu dans les costumes, les acteurs sont en habits de tous les jours. Ni dans la scénographie : une balançoire suspendue indique l’extérieur, une table le salon, les acteurs dessinent à la craie blanche, à même le plateau, l’élément de décor dont ils ont besoin. Cette épure amplifie chaque geste, chaque mouvement. Les acteurs jouent parfaitement le désarroi, enchaînent les répliques avec fluidité malgré leur débit effréné. C’en est presque oppressant, à l’image du monde de Tchekhov, intemporel.
Chaque représentation, prise une à une, est indéniablement réussie. Pourtant, les trois mises en scène se ressemblent presque jusqu’à se confondre. Le rythme, les éléments de décor, la gestion de l’espace leur sont communs. Les acteurs semblent jouer de la même manière quels que soient les personnages qu’ils incarnent dans chacune des pièces. La volonté d’unité aurait-elle finalement nui à une approche particulière de chaque pièce ?

Adèle de Keyzer

 

Trois Tchekhov — La Mouette, Oncle Vania et Les Trois Sœursétaient présentés du 14 au 22/03 à la Criée.

Oncle Vania sera présenté le 27/05 au Théâtre de l’Olivier (Istres).
Rens. 04 42 55 24 77 / www.scenesetcines.fr
Pour en savoir plus : www.theatre-studio.com