Tristan & Iseult © T.Alloncle

Retour sur Tristan et Iseult par Laurent Daycard au Théâtre La Criée, dans le cadre de MP2018 – Quel Amour

Si l’amour m’était conté…

 

Histoire d’amour éternel transmise oralement depuis la nuit des temps entre Bretagne, Cornouailles anglaises et Irlande, Tristan et Iseult a évolué sur plusieurs siècles. Avec Laurent Daycard, c’est sur scène que le conte nous parvient aujourd’hui grâce à ses improvisations distillées au milieu de la légende. Oyez oyez, braves gens, écoutez ce conte qui ravira les amoureux.

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, posons-nous cette simple question : qu’est-ce qu’un conte ? Il s’agit en même temps du récit d’aventures fictionnelles et du genre artistique qui narre ces aventures, avant tout par l’oral. Au fil du temps, quand le conte est suffisamment populaire, la parole le fait évoluer sur plusieurs générations.

Le conte captive ainsi l’audience par son histoire, certes à grand renfort de magie, prouesses héroïques et créatures extraordinaires, mais aussi, et surtout, grâce au talent du conteur. Après plus de deux heures dans une salle comble du début à la fin, on ne peut qu’être convaincu par Laurent Daycard. Figure marseillaise du conte au sein de la Baleine qui dit « Vagues », dont il est le directeur artistique, il a travaillé pendant sept ans, sans malheur au bout, à son adaptation de Tristan et Iseult.

Quelques cordes avec des nœuds de marin descendent du plafond. Un petit banc de bois, qui pourrait trôner dans la cale d’un navire, est posé avec un étrange instrument de musique à cordes moyenâgeux, le dulcimer. Un bruit de ressac commence à parvenir à nos oreilles. Avant que la lumière ne soit, la mer est déjà là. Un chemin de table blanc, placé en diagonale de la scène, sera la piste aux étoiles du conteur.

Son père Rivalen, roi d’Écosse décédé au combat, et sa mère Blanche-Fleur, morte en lui donnant naissance, Tristan est orphelin. Quelques paroles contées plus loin, son oncle Marc’h se prend d’affection pour lui au point de vouloir en faire son successeur sur le trône de Cornouailles. C’était sans compter sur quelques seigneurs jaloux, et donc forcément peu fréquentables, qui vont tout faire pour éviter cela, quitte à envoyer Tristan chercher un cheveu d’Iseult à l’autre bout de la terre. Ou plutôt de la mer. Il faudra d’abord couper la langue d’un dragon bien sûr… Iseult ? La fille du roi d’Irlande et la nièce de Morholt, accessoirement géant et craint de tous. Son crâne sera quand même fendu par l’épée de Tristan. Comme on dit à Marseille, ça part mal pour ce dernier, qui a découvert l’amour en voyant le visage d’Iseult alors qu’elle le soignait d’une vilaine blessure. Mais c’est sans compter le filtre d’amour de la reine d’Irlande, la témérité de Tristan, et ses ruses pour voir Iseult en cachette.

Afin de mieux visser le spectateur sur son siège, Laurent Daycard entame une courte litanie de moments éparpillés dans l’histoire. Le conte est lancé. Quelques allers-retours sur scène, un peu de chants anciens et de cordes pincées, frappées par ci, des gestes dessinant en l’air les images devant se former dans notre imagination par là, et des accélérations ou ralentissements de rythmes sans tordre le verbe. Il est bien question de temps. « Ce n’est ni une histoire d’hier, ni d’avant, mais de maintenant du présent. » De là à dire que le présent est toujours là et donc immuable, il n’y a qu’un pas.

Comme la vie d’un conte est éternelle, l’amour qui unit Tristan et Iseult n’a pas d’âge. Et qu’importe si pour cela il faut commettre un adultère et si la servante d’Iseult, Brangien, doit perdre sa virginité avec le roi pour aider sa maîtresse. Nous sommes en présence d’un conte très moderne qui nous montre que l’amour peut nous conduire à faire des folies sans folie. « De la tombe d’Iseult naquit le coudrier, un arbre-fée, et de celle de Tristan jaillit un chèvrefeuille. Ce dernier enserra si fort l » premier que nul ne put jamais les séparer. » Pas mieux.

 

Guillaume Arias

 

Tristan et Iseult était conté les 16 et 17/03 au Théâtre La Criée, dans le cadre de MP2018 – Quel Amour.