Trafics

Trafics, Regard sur le commerce illicite des espèces sauvages au Muséum d’histoire naturelle

Amère nature

 

Comment le commerce d’animaux et de plantes sauvages est-il réglementé ? Au Palais Longchamp, le Muséum d’histoire naturelle de Marseille propose, avec Trafics ! Regard sur le commerce illicite des espèces sauvages, un retour sur les efforts mis en place pour lutter contre un trafic qui, malheureusement, figure au pied du podium de rentabilité après celui des armes, des êtres humains et des drogues.

 

 

De quoi s’interroger sur son impact, et réaliser à quel point il est nécessaire d’intervenir pour préserver une biodiversité saine, pour que l’on puisse toujours voir dans leurs milieux naturels les coraux, les pangolins, les fauves, mais aussi les plantes, souvent récoltées excessivement.

Pour l’occasion, le Muséum a collaboré avec les douanes afin de mettre en lumière de nombreuses pratiques autour du trafic d’espèces. L’exposition propose un parcours entre différents conteneurs dans une scénographie pédagogique. Les spécimens saisis de ce commerce sont contextualisés pour tisser une documentation d’ensemble illustrant avec précision des pratiques qui font du tort par leur intensivité, dans plus de secteurs que l’on pourrait, au premier abord, l’imaginer. L’ampleur du trafic motivé par le gain rencontre souvent les conséquences qui en résultent… Les spécimens exposés viennent de chez des collectionneurs prêts à payer une fortune pour tel papillon ou tel aigle, des espèces qui se retrouvent du jour au lendemain chassées malgré un effectif très faible ; c’est aussi parfois au profit de la mode, pour exhiber l’apparat d’un luxe macabre ; puis à d’autres de chercher des éléments de décoration, ou des espèces aux vertus pseudos-médicinales.

Le parcours propose un regard à la fois local et international, entre la réglementation de la chicorée sauvage sur le Mont Ventoux, les animaux collectionnés ou chassés, ou des tonnes d’ibogas, petits arbustes qui quittent le Gabon illégalement, vendus sur internet pour leurs vertus psychotropes. Des pratiques qui subsistent encore, allant de l’extraction de bile dans les estomacs d’ours vivants à la cueillette excessive de plantes.

Six cent soixante et onze kilos de coraux ont dû être extraits pour une valeur estimée à deux millions d’euros, avant leur saisie en Tunisie. L’espèce se régénère pourtant lentement… Un sacrifice pour quelques bijoux ou quelques aquariums, qu’il convient alors de mieux réguler pour éviter une malheureuse disparition.

Les espèces exotiques ne sont pas les seules à préoccuper. Par exemple le chardonneret, un passereau un peu plus petit qu’un moineau, chassé pour son plumage et son chant, est sujet à cette même réglementation. Le constat s’épanche sur d’autres espèces, comme en témoignent les spécimens présentés dans les conteneurs, où d’autres aspects des trafics sont mis en lumière. Mode et santé, consommation alimentaire ou décoration d’intérieur, la réglementation concerne tout ou partie quand il s’agit d’une espèce, en encadrant par exemple certaines pratiques dont la cueillette : certains champignons peuvent être cueillis sous condition, à la bonne saison ou en quantité limitée, même s’il n’est pas rare qu’il en soit saisi des centaines de kilos. On peut aussi s’attarder à regarder des phyllies des Philippines ou la ramification des coraux. On découvre des espèces rares, avec regret, car elles ont été saisies d’un trafic qui en amoindrit l’existence…

Pour s’allier donc à la survie des espèces, les efforts de l’OFB (Office Français de la Biodiversité, une institution publique qui mêle observatoire, préservation et restauration), des douanes, et l’encadrement du commerce par des accords internationaux permettent d’estomper des chiffres déjà inquiétants. Les estimations ne sont pas bien heureuses… Prenons le pangolin par exemple. Parce que sa viande et ses écailles sont traditionnellement réputées guérisseuses, il est très chassé malgré l’absence encore criante d’une quelconque preuve scientifique. Constat : on répertorie une baisse drastique de sa population, tandis que du côté de la santé publique, la hausse reste encore à prouver…

Une seconde pièce jouxte encore la série de conteneurs. La Salle de Provence expose quelques espèces présentes ou qui l’ont été sur notre territoire. Non, les trafics ne sont pas uniquement l’apanage de braconniers stéréotypés étrangers. Cette salle complète Trafics pour nous rappeler le rôle de la biodiversité et le gâchis provoqué par la prolifération du braconnage à nos portes.

On peut également s’amuser à tester ses connaissances, à découvrir les noms d’espèces croisées auparavant sans avoir pu les nommer.

En exposant l’importance d’une lutte contre le trafic d’espèces, le Muséum œuvre pour que l’on puisse toujours s’émerveiller collectivement de la richesse de nos espaces et du monde.

 

Mohamed Boussena

 

 

Trafics, Regard sur le commerce illicite des espèces sauvages : jusqu’au 4/09 au Muséum d’histoire naturelle (Palais Longchamp, Boulevard Jardin Zoologique, 4e).

Rens. : musees.marseille.fr