Vue de l'exposition © Damien Boeuf

Tous à la plage ! à l’Espace photographique Fermé le Lundi

Life is a beach

 

Ouvert depuis le mois de novembre dernier, l’espace photographique Fermé le Lundi fait monter la température d’un cran en cette période de préliminaires automnaux. Avec son exposition Tous à la plage !, la galerie laisse une vingtaine de photographes se mettre à nu, qu’ils soient illustres ou jeunes nouveaux. Ici, la plage — une villégiature loin d’être abandonnée ! — vient littéralement aimanter celles et ceux qui osent y « hâler ». Chaque série offre une version toute personnelle (et chaque fois, sensationnelle) de l’architecture balnéaire. L’ISO se hisse haut !

 

Éloge de l’alanguissement, du « dolce farniente » et des panoramas bien huilés ? Ce seul prisme serait réducteur! Au fil de l’exposition Tous à la plage !, plusieurs artistes prophétiques présentent, « pelle » mêle, des photographies d’une rare singularité. Autant d’influences, d’inspirations et de sensations retrouvées dans le travail de ces experts « ès playa » et qui cristallisent une fascination commune pour l’univers de la baignade. Quand les photographes se mouillent pour mieux nous faire flasher, il ne nous reste qu’une option : plonger !

Cette collection de clichés mérite d’être attentivement examinée : la thématique de la plage est décortiquée, à l’envi, selon des souvenirs ou des spectres bien précis. Cet environnement de bord de mer communément apprécié et recherché revêt d’ailleurs différents aspects : la plage est tantôt pop (Martin Parr) avec ses protagonistes emblématiques (maillot lamé, chien riquiqui et vapeurs de monoï à l’appui), tantôt décadente (Agnès Jouhandeaux) puisque la mythologie trash s’y invite aussi, à l’aide d’une Vénus reconstituée à la sauce « modernité » et dont le trop-plein de chair n’étouffe pourtant pas l’amoralité. Toutes ces représentations permettent aux visiteurs d’accéder à de multiples vérités en expérimentant des disparités visuelles, de la grisaille latente à l’extrême luminosité.

La créativité n’a, ici, pas de limites puisqu’elle inclut des mises en scène parfaitement intimes, comme ces réminiscences granuleuses d’étés passés au bord de l’eau et les photos associées qui ont essuyé un trop-plein de sable, d’iode et d’algues séchées (Patrick Tourneboeuf). Comme les muscles saillants d’un saut de l’ange à l’italienne impressionnant de grâce et d’agilité (Nino Migliori). Comme l’entassement populaire et les installations mouvantes d’une classe sociale définie contrastant avec la plage désertique — voire fantomatique —  qui l’entoure (Cyrille Weiner). Comme l’empreinte laissée sur des serviettes de bain ensablées et qui révèle bien des secrets… jusqu’à la « caste » et la personnalité de leurs propriétaires (Jean-François Maccario).

Les allusions sont légion lorsqu’il s’agit de se mettre à l’eau. Certains photographes à l’honneur dans cette exposition n’hésitent pas à tordre le cou aux poncifs : les grandes vacances se transforment alors en fléau pour ados en mal de réseaux sociaux, l’eau de la plage des Catalans mute soudain en un vaste bain azuréen presque effrayant d’immensité, les salons d’appartement rejouent — intra-muros — des caricatures estivales sans sel sur les pieds ni vendeurs de beignets, le « costume de bain » devient politisé avec l’arrivée sur les côtes du (tout petit petit) burkini (qu’on voyait pour la première fois ?). Chaque série est un coup de maître puisque les photographies symbolisent tour à tour des instants décisifs, des territoires architecturaux imparfaits et poétiques, des catwalks presque mythiques, des lieux de culte physique et des envers du « décorps », des zones de libre rêverie, de nonchalance et de bien-être à tout prix.

Parcourir l’ensemble des œuvres présentées permet d’en saisir les nombreux effets : les plages sont aussi bien tumulte que tranquillité en incarnant des échappatoires aléatoires, des allégories de l’enfance, des espoirs gigantesques, des sources de respiration mais aussi des miroirs réalistes de ce que nous « valons ». Des aires de jeux et de « je » qui ne cessent d’alimenter les passions. Enjôleuse mais sérieuse, l’exposition de la galerie Fermé le Lundi nous met à la « plage »… pour de bon.

 

Pauline Puaux

 

Tous à la plage ! : jusqu’au 15/10 à l’Espace photographique Fermé le Lundi (130 Boulevard de la Libération, 4e).

Rens. : 06 49 16 76 06 / www.fermelelundi.com