Les pièces de théâtre de l'année 2009

Les pièces de théâtre de l'année 2009

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    • Diphtong CieCHTO (Janvier au Théâtre des Salins, Martigues)
    Du monologue d’une fragile exilée tchétchène (CHTO, interdit au moins de quinze ans) à celui d’une émouvante religieuse (Les douze sœurs slovaques), en passant par celui d’un beau légionnaire (Mon Képi Blanc), CHTO est une trilogie de la quête d’identité. Via un pertinent dispositif de « boîtes » qui scénographient les espaces mentaux des personnages, l’interprète solitaire nous attend, corps vertical et membres mouvants, pour nous happer dans une tension dramatique étourdissante. Trois face-à-face avec l’Histoire, aussi violents que vertigineux.
    • Ccie In Pulverem Reverteris – Macbeth (Janvier aux Bernardines et décembre à la Criée)
    Après le cinglant Traumzeit, Angela Konrad poursuit son exploration du théâtre d’Heiner Müller. Le foisonnement du dispositif adopté ici, a priori rock’n’roll (musique électrique jouée live, danse et vidéo, filmée parfois depuis les coulisses…), renforce surtout la proximité avec les comédiens. Cette production poids lourd, de sang/sens et de sueur, captive par son traitement des passions intimes du général Macbeth et de sa femme, que la soif de pouvoir née de l’impossibilité d’avoir un enfant conduira à commettre l’irréparable.
    • Collectif ildi ! eldi ! – Vice-Versa (Février et juin à Montévidéo)
    Librement adaptée du roman de l’enfant terrible de la littérature britannique, Will Self, cette malicieuse satire de mœurs aborde avec ingéniosité et sur un ton facétieux la question de l’identité sexuelle. Concentrant son attention sur le montage en rejouant la même scène à trois reprises (ponctuée de commentaires à voix haute sur différents registres), le jeune collectif ildi ! eldi ! livre un assemblage de décalages plein d’impertinence et de fraîcheur, où le rire (grinçant) va bon train.
    • Rabih Mroué, Tiago Rodrigues & Tony Chakar – L’homme d’hier (Mars au Théâtre des Salins dans le cadre du festival Mare Nostrum)
    Voyage d’un étranger dans les rues de Beyrouth, L’homme d’hier est le récit d’un homme qui se rencontre plusieurs fois, dans plusieurs temps, dans plusieurs vies, en plusieurs lieux, en plusieurs hommes. A l’aide d’une projection de cartes de la ville aux splendeurs détruites, d’images d’arts et de photos truquées, et d’un témoignage irréel qui nous fraye un chemin dans cette cité devenue imaginaire, cette création collective nous propose un périple initiatique et invente la cartographie d’un genre théâtral nouveau.
    • Théâtre de la Mer – Les oranges (Mars-avril au Théâtre de Lenche)
    En voyant la pièce jouée par Belkacem Tir, on plonge dans le récit d’Aziz Chouaki, sa plume caustique empreinte de désespoir sur le peuple algérien, sa manière « décousue » et vivante de passer d’un sujet à l’autre. En relisant le livre d’Aziz, on entend la voix de Belkacem, ses accents, ses intonations, on imagine ses gestes, ses mimiques, on revoit tous les personnages qu’il campe magistralement. C’est dire comme il habite le texte et le sert avec brio. Délicieux et hypervitaminé, comme Les Oranges.
    • Cie Vol Plané – Le malade imaginaire (Mai au Théâtre du Gyptis)
    Vocabulaire compliqué car obsolète et ambiance « vieillotte » : voilà comment les jeunes d’aujourd’hui pourraient décrire Le malade imaginaire. Grâce à la mise en scène d’Alexis Moati, les idées préconçues volent en éclats. Respecté mais décrypté par des acteurs interchangeables au jeu très physique, le texte de Molière bénéficie en outre d’une interaction ludique et concrète avec le public ou encore de l’intervention d’extraits de films. Souhaitons que la compagnie marseillaise continue à planer ainsi.
    • Fellag – Tous les Algériens sont des mécaniciens (Mai au Théâtre du Gymnase)
    Entre le one man show et la fiction d’un théâtre qui se joue en tête à tête, Fellag utilise l’ironie dramatique de la panne d’une voiture pour faire un état des lieux de son pays d’origine et disserter sur les rapports entre la France et l’Algérie. Le ton est légèrement décalé, mi-déclamé, mi-ironique, et utilise à merveille les subtilités de la langue de Montesquieu pour appuyer là où ça fait mal. La décolonisation de l’Algérie est une blessure encore vive, Fellag en assume le risque et le public le suit.
    • Stefano Ricci et Gianni Forte – Wunderkammer Soap #1 Didon (Octobre à Montévidéo dans le cadre d’ActOral.8)
    Dans le temps fort des écritures italiennes d’ActOral, cette performance — brève mais intense — dans la minuscule salle de bains des appartements de Montévidéo nous montre l’univers, forcément intime, d’un travesti en proie au désespoir et au suicide. La proximité, la formidable qualité d’interprétation de Giuseppe Sartori, ainsi que le sujet — celui d’un homme qui aurait rêvé d’un autre corps — créent en quelques minutes seulement un lien extrêmement fort et authentique avec le spectateur. Bouleversant.
    • Cie Grand Magasin – Les déplacements du problème (Octobre à la Minoterie)
    Dans les rayons du Grand Magasin, vous trouverez une sélection de tapis absorbeurs de sons, une machine à émettre des doutes ou encore un micro à écho négatif. Des trouvailles inutiles réalisées avec trucages douteux, campées dans un décor minimaliste et présentées par trois « démonstrateurs ». L’effet acoustique des appareils, conçus comme des dispositifs censés faciliter la communication, devient l’élément perturbateur du discours. On a tout compris, on a beaucoup aimé et ça valait vraiment le déplacement.
    • Guy Cassiers – Rouge décanté (Novembre au Théâtre des Salins)
    Après l’époustouflant Mefisto for ever, Guy Cassiers est récemment revenu à Martigues nous plonger dans les abysses de la cruauté avec cet immense succès de 2006 à Avignon. Sur une scénographie multimédia grand format, le Belge adapte le roman de Jeren Brouwers pour nous livrer aux tortures de ses souvenirs, dans les camps japonais des Indes néerlandaises.
    Emporté dans le tourbillon de la machine historique, l’excellent Dirk Roofthoof porte un texte organique, puissant voyage au cœur de l’horreur.