Tête de Dondole

Tête de Dondole

On le croirait surgi de nulle part, c’est pas tout à fait ça. Mélomane passéiste et branleur ? Ne pas se fier aux apparences. Car à trente ans passés, Dondolo a enfin trouvé une brèche, celle qui pourrait le mener aux charts pour peu qu’on lui en donne les moyens…

On le croirait surgi de nulle part, c’est pas tout à fait ça. Mélomane passéiste et branleur ? Ne pas se fier aux apparences. Car à trente ans passés, Dondolo a enfin trouvé une brèche, celle qui pourrait le mener aux charts pour peu qu’on lui en donne les moyens.

En 2006, le succès de Katerine a surpris tout le monde. Enfin, en apparence. Après quinze ans passés à sortir des disques inadaptés, surréalistes et cultivés – mais peu vendeurs, le franc-tireur de la chanson pour lecteurs des Inrocks, bedonnant et bien blasé par le système[1], se décidait à jouer son va-tout en composant un album plus « grand public », sans pour autant trahir sa ligne de conduite originelle : le décalage, aussi naturel fût-il. A la première écoute, il ne faisait aucun doute que Louxor j’adore et 100% VIP, portés par des textes aux gimmicks ravageurs et une production cheap calibrée pour les clubs, allaient faire un carnage. Ce fut le cas. Et Dondolo[2] dans l’histoire ? Si Romain Guerret, de son vrai nom, ne saurait se suffire de tel parallèle en préambule, il faut dire qu’il arrive après son aîné nanti des mêmes armes : un album de pop synthétique à entrées multiples, potentiel carton chez les branchés comme dans la cour de récré, de solides attaches avec l’underground (en général) et le rapport à l’image (en particulier), le second degré incarné à la première personne, un statut de trentenaire en phase avec son époque – sans illusions et prêt à tout, un passif de provincial sevré d’indie pop, un présent sous la lumière factice des néons, un futur qui reste à définir. On peut y aller ?

Borderline

Dondolo est une surprise comme il en arrive rarement dans le paysage musical français, et pensez donc, encore moins au sein de la scène locale, puisque c’est ici qu’il est devenu Donald – son précédent pseudo, son deuxième prénom, sa seconde peau. Il est en effet de ceux qui sont à la lisière, ni tout à fait eux-mêmes, ni tout à fait un autre, à la fois synthèse réussie de tout un tas d’idiomes et produit spontané de leur génération, à cheval entre bon et mauvais goût, désir de reconnaissance et désinvolture arty. Bref… Un cas. Ses débuts sont pourtant un modèle de banalité : enfance du côté de Roanne, premières expériences musicales en groupe à l’adolescence, dégrossissage de l’outil électronique à l’époque du premier Daft (un album autoproduit sous le nom de Hub Hub). Et puis, à la fin des années 90, il s’établit à Aix où il monte bientôt, « pour faire quelque chose de ses dix doigts », le collectif Respect is Boring avec quelques amis. Au programme : des productions essentiellement vidéo (fictions courtes, docus, reportages…) axées autour des cultures émergentes. A ses heures perdues, Romain joue les comédiens, il enchaîne les cachets d’intermittents mais, son vrai truc, c’est la musique. Alors muni d’un Atari, il compose, et se retrouve vers 2002 avec l’essentiel de ce qui constituera, cinq ans plus tard, son album Dondolisme… Cinq ans. So what ? Les démos ont beau se transformer en maxis, quelque chose bloque : Peng, son premier hit d’estime (mille copies écoulées), est repressé par le label anglais Invicta Hi-Fi (Ladytron) qui le signe pour deux albums… sans donner suite. Romain ne perd pas la main, mais du temps : en 2004, un ami le présente au label/disquaire avignonnais La Bulle Sonore, qui scotche aussi mais laisse filer deux ans… C’est finalement d’un autre petit label anglais, le prometteur Tiny Sticks, que vient le réveil en 2006, avec la sortie de deux maxis assortis de remixes labellisés DFA[3] : le buzz monte, alors que Dondolo ne s’y attendait plus et n’avait, de son propre aveu, jamais été conçu comme un projet club… Le hasard remet donc notre homme en selle, au moment même où il devient papa une seconde fois. Un gâchis ? Pas tant que ça. Car sa musique, et c’est là l’un des grands paradoxes de l’affaire, n’a malgré ses références typiquement 80’s pas pris une seule ride.

Synthétoc ?

Sur scène, où il est épaulé par ses quatre « dondolistes », Dondolo rocke fort. Mais sur disque, où il exprime sa facette la plus synthétique dans un équilibre parfait, ce chanteur à succès ne dégage pas la même odeur que nombre de ses congénères obsédés par les 80’s. Pour qui aime les productions typiques de la décade maudite, Dondolisme, ce manifeste de l’entre-deux qui assume tout sans qu’on lui demande, est une vraie caverne d’Ali Baba : on y croise des rythmiques directement inspirées par Martin Hannett, des mélodies à faire pâlir d’envie les défunts cadors de la synth-pop, des lignes de basse élastiques ou des sons de synthé « qui font pouët-pouët », et tout cela nous ramène au temps des auto-tamponneuses sur la grand place du village, quand Falco nous invitait à venir claquer dix balles avant de filer au lit. Nostalgie ? Peut-être, mais riche d’une classe et d’un toucher qui renverront Teki Latex à ses Artoyz, achetés vingt fois leur prix sur Ebay : lui-même aurait-il pu croiser Indochine et les Dexys Midnight Runners (Le jour d’après) sans passer pour un blaireau ? Singer L’ami cahouète (L’amithomane) à la manière d’un Jacno ? Pondre un tube indie (A question of will) qu’on brûle déjà d’entendre à la radio ? Si vous visionnez le clip de ce dernier morceau, sur sa page MySpace, vous découvrirez le même personnage qui orne la pochette de son disque : un double poppeux, qui paraît plus jeune et s’efforce de ne pas travailler l’image – ça en dit long. Dondolo devrait parler aux trentenaires des années 00 : derrière le clinquant de façade, le disque de quelqu’un qui a vécu et pense peut-être les mêmes choses, quelqu’un qui fait mine de s’en cogner sauf que, à quelques mètres, les enfants jouent. Alors maintenant, deux options : 1/ Dondolo fait parler de lui dans la presse tendance (bon départ chez Technikart) mais reste un one-shot de saison, un phénomène pour happy few qui ne passera pas l’hiver et finira, dans le meilleur des cas, par générer un petit culte. 2/ Dondolo arrive à capter l’attention des médias généralistes, puis du public, puis des majors du disque et enfin de Grosquick, totalement à la ramasse depuis que les jeunes se sont mis au Yop. Dans ce cas-là, il l’a dit lui-même : « J’irais jusqu’au bout ». On en a une énorme envie.

PLX

Dondolisme (La Bulle Sonore/Differ-Ant)
En concert le 23 à l’Embobineuse dans le cadre du festival B-Side (voir agenda)
www.myspace.com/dondolo8

Notes

[1] Son pétage de plomb inaugural, immortalisé par l’album Les créatures et son hit Je vous emmerde, remonte quand même à 1999

[2] « Je swingue » en italien

[3] Le premier, Dragon revisité par Shit Robot, est l’un des hits underground de 2006