Pour un fascisme ludique et sans complexe du Grand Colossal Théâtre

Tendance Clown #16

Le Jardin s’amuse

 

À l’instar de Ventilo, le Daki Ling célèbre ses vingt ans cette année. Au programme : « une espèce de grand chelem de la provoc », avec une flopée de spectacles qui ont marqué le « Jardin des Muses » depuis sa création. Mais aussi deux éditions du festival Tendance Clown en une saison ! À l’approche de l’ouverture de cet exceptionnel cru automnal, revue des troupes en compagnie de Christian Favre, fondateur et directeur du lieu.

 

 

On n’a pas tous les jours vingt ans, chantait Berthe Sylva. Alors autant en profiter, pourrait lui rétorquer Christian Favre. À l’aube du vingtième anniversaire du Daki Ling, le directeur du lieu savoure, et nous prévient : « On va finir avec les joues en béton tellement on aura rigolé ! »

Car le rire est sans conteste le maître-mot de l’antre de la rue d’Aubagne. Le rire ici symbolisé par cette « figure grotesque et attachante » qu’est le clown. Ou plutôt les clowns. Mieux : les clowns d’aujourd’hui. Avec ou sans nez rouge, ces créatures « sans filtre, sans surmoi » rayonnent bien au-delà de leur cadre circassien traditionnel, car à l’opposé de notre monde quelque peu aseptisé, le leur peut tout se permettre : la spontanéité, la singularité, l’absurdité, la folie (douce ou furieuse), la provocation, la transgression. En révélant son intimité et ses faiblesses, la partie la plus originale et sensible de chacun, le clown est à la fois l’autre et nous-mêmes, et nous tend un miroir pour observer notre propre réalité.

Jouant avec cette identité multiple et paradoxale, le festival Tendance Clown jongle entre les différentes facettes du personnage et fait le grand écart d’une forme à l’autre, d’un lieu à l’autre, dedans comme dehors. Plus particulièrement dedans pour cette édition automnale, report du seizième épisode prévu en mai dernier, puisque l’essentiel de la programmation se concentrera au Daki Ling, avec toute de même quelques escales — gratuites — au Parc Bagatelle, au Conservatoire Pierre Barbizet (qui fête quant à lui ses deux cents ans !), au Parc Longchamp et, bien sûr, à Noailles, quartier meurtri mais bel et bien vivant où le Daki Ling a trouvé sa place voilà vingt ans.

Difficile de mentionner toutes les attractions de ce cirque moderne qu’est le festival, qui convoque pas moins de quinze compagnies représentant toutes les tendances du clown contemporain, à la croisée des arts de la rue, du théâtre et du cirque, et « même du cinéma burlesque ».

Grands habitués du Jardin des Muses, les Chiche Capon, qui incarnent avec brio « les quatre figures du clown traditionnel — l’Auguste, le clown blanc, le pitre et le contre-pitre — mais dans une écriture moderne », présenteront leur seul spectacle encore jamais joué à Marseille, Le Cabaret (le 23). Un (grand) moment de grand burlesque en perspective !

Le bonimenteur Arnaud Aymard — également un habitué, qui reviendra en avril 2022 avec son « hit », L’Oiseau Bleu — sera aussi de la partie avec Jean-Noël Mistral, un solo poétique avec l’accent marseillais, « en gros, du Giono perché ! » (le 29).

Dans cette programmation pléthorique, on retiendra aussi, en vrac, le surréaliste Hôtel Cosmos par les compagnies La Volubile et Théâtre Luzzi Ich Liebe Dich, « une forme plus traditionnelle mais avec un traitement quasi lynchéen » (le 23) ; Tu viens ? par la compagnie Toi d’abord, « Deux jongleurs qui jouent à la baballe… un classique de la rue, créé en 2009 » (les 16 & 17) ; Marée Basse par la compagnie Sacekripa, un « chef-d’œuvre burlesque » (le 30) ; ou encore Goodbye Persil par la compagnie L’Arbre à Vache, « un roadtrip sur dix mètres en Twingo » qui s’annonce hilarant (le 30).

Dans un style plus théâtral, les Raspar Capac — « la nouvelle jeune garde du théâtre engagé », qu’on avait pu découvrir l’an passé avec Nique ta mère la réinsertion — présenteront Le Monde ou rien, « critique très acerbe et très provoc de la société » matinée de hip-hop « qui déchire » (le 21), tandis que leurs « parents spirituels » du Grand Colossal Théâtre nous livreront les clés Pour un fascisme ludique et sans complexe (quel titre !), à travers une réunion de copropriété exprimant le chaos du monde (le 22).

Autant de spectacles représentatifs des vingt ans que le Daki Ling a consacrés à l’art clownesque. Et qui seront rejoints, jusqu’à la fin de la saison en juillet prochain, par une vingtaine d’autres, « rappelant les meilleurs moments qu’on passés ici », de Jango Edwards (excusez du peu) à 1Watt, en passant par Jos Houben, Tony Clifton ou Typhus Bronx.

Ajoutons à cela des expositions, des concerts, des soirées spéciales, des stages et de nombreuses résidences (une dizaine cette année au lieu de six d’ordinaire), et voilà une saison bien remplie, histoire de « rallumer nos humeurs, convoquer le rire franc, celui qui vient du ventre, irrésistible et libérateur ! »

 

Cynthia Cucchi

 

 

Tendance Clown #16 : du 14 au 30/10 à Marseille.

Rens. : 04 91 33 45 14 / www.dakiling.com/tendance-clown-2021

Le programme complet du festival Tendance Clown ici