C’est quasiment une première : un festival entièrement dédié à la « chip music » (dans une ville où seules quelques initiatives éparses avaient vu le jour) à l’occasion d’une « demoparty » comme il n’en existe que très peu en France (c’est la seconde à Marseille, après une tentative infructueuse l’an dernier à la Friche). Chip music ? Demoparty ? Reprenons, car derrière ce vocable étranger à bon nombre d’entre nous, dont la sonorité ludique est en tous points conforme à sa portée, se cache un mouvement d’envergure internationale, une avant-garde aux racines foncièrement rétro, un paradoxe générationnel qui unirait les premiers programmeurs de logiciels (dans les 70’s) à la dernière génération de kids qui les détournent. Une affaire de nerds ? Pas seulement. Depuis l’avènement grand public de l’informatique, toute une génération a grandi au son de bécanes aujourd’hui considérées comme antiques (Amstrad, Commodore 64…), de consoles de jeux vidéo dont les modèles d’origine se négocient aujourd’hui à prix d’or sur eBay (Atari ST, Gameboy…) et même de jouets électroniques (La Dictée Magique, Simon…). A l’heure où la technologie inonde les foyers, où tout devient possible en un seul clic, ces vestiges d’un temps pas si lointain sont détournés de leur fonction originelle, un peu comme du « hacking » à vocation musicale : c’est la « chip music », ou « micro music ». Si la dimension ludique est restée primordiale, l’enjeu l’est tout autant : le retour à la création pure, du fait des contraintes imposées par le potentiel technique a priori limité de ces outils. En France, et comme nous l’a expliqué Christian Artin, créateur de contenus numériques depuis vingt ans et co-fondateur de La Cyber Nostra (qui organise le tout), on est sacrément à la bourre. Pour le Data Airlines Festival (la partie musicale), il a donc confié la programmation artistique à Dubmood, jeune Suédois de… 22 ans, activiste virtuose de la « demoscene » scandinave : tout un symbole. De fait, on retrouve à l’affiche de l’événement ce qu’il se fait de mieux en la matière à l’heure actuelle, avec des artistes originaires des quatre coins du globe… Christian : « Si la nouvelle génération consomme de plus en plus de numérique, elle est incapable d’en fabriquer : eu égard aux autres pays européens, la France a un grave déficit de qualification. Il faut inciter ces gamins à aller vers des métiers de contenu, leur apprendre à programmer, à maîtriser la technologie de manière indépendante. Avec La Cyber Nostra, nous voulons repérer ces talents, et c’est pourquoi nous comptons ouvrir des ateliers à l’année. » Les master-classes, démonstrations et compétitions de cette M.A.I.N demoparty (le volet à la fois récréatif et « pro » de la manifestation) en sont une première étape, tournée également vers sa dimension visuelle (graphisme, image animée, vidéo…), comme une vitrine où « demomakers » réguliers et praticiens amateurs se rencontrent, un espace d’échange de savoirs où l’on dessine le futur en s’amusant. A tous les âges.