Stade IV, protocole et crustacés de Maëllis Cam

Stade IV, protocole et crustacés au Théâtre Vitez à Aix-en-Provence

Tout est mal qui finit bien

 

Une jeune femme de vingt-deux ans apprend qu’elle est atteinte d’un cancer au stade 4, le plus avancé de la maladie. Maëllis Cam va s’accrocher aux mots des autres — ceux des proches et de quelques écrivains — pour tenir, vivre et supporter l’insupportable. Stade IV, protocole et crustacés retrace avec intensité et humour ce parcours du combattant, qui mène à la rémission totale de l’auteure-metteure en scène et, par procuration, à l’évacuation d’un gros tabou pour les spectateurs.

 

Maëllis Cam est à l’Université de Provence, en master II de Théâtre, lorsqu’elle découvre (presque par hasard) qu’elle est atteinte d’un lymphome. Comme un déluge, la nouvelle déferle sur elle et son entourage. Héroïque, elle va aller au front, se battre contre ce crabe invisible et mortel. Au-delà des marques d’amour de sa famille et ses amie.s, ce sont les textes d’Antonin Artaud, de Fernando Pessoa et de Louis-Ferdinand Céline qui la soutiennent. De l’intranquillité de vivre, en passant par l’analyse de la maladie mentale, la lecture de ces auteurs lui offre des refuges métaphysiques qui lui permettent d’envisager un ailleurs, loin des chambres d’hôpital et du protocole médical, froid et douloureux. « On n’est plus qu’un corps quand on est malade, on redevient un nouveau-né, sans poil, sans identité sexuelle. Pour les gens dans la rue, on représente le presque mort, le mort-vivant… » Maëllis raconte à qui veut l’entendre ce qu’elle a vécu et d’où elle revient. Puis il faut réapprendre à vivre, ou peut-être savourer chaque jour comme autant de jours de vie en plus. Maëllis retrouve la fac et le théâtre. Elle a conservé des notes griffonnées sur son lit d’hôpital et les passages marquants des auteurs cités. L’idée émerge d’écrire un spectacle sur le principe de l’autofiction, un montage de textes tissant son expérience de la maladie avec les mots salvateurs des poètes. Elle s’entoure de trois comédiens, Estelle Gilly, Romane Pineau et Maxime Saulnier-Gatefait, afin de démultiplier la parole et d’échapper à l’identification individuelle. Elle veut « retransmettre un événement à partir d’une rupture personnelle, mais arriver à le rendre universel. C’est une tumeur de manière générale, le cancer entre dans la vie de tout le monde, pas juste dans celle du malade. Cela nous met face à la finitude de manière générale. » Sur scène, les trois figures racontent avec distance et drôlerie les effets d’annonce de la maladie sur le malade et sur ses proches. La poésie s’immisce dans cette réalité cruelle pour libérer les tensions et tenter de donner un sens à tout ça. Les acteurs dégagent une vitalité, une force, une joie surtout, qui, au-delà des mots, engagent leurs corps organiques dans cette course à la survie. L’eau est présente comme un quatrième personnage, elle vient purger l’espace et nettoyer les plaies, elle crée des images subliminales, rappelant la dualité de nos subsistances. L’habileté du montage — aux coutures imperceptibles —, la justesse du jeu et l’efficacité de la mise en scène font de ce spectacle un moment extrêmement précieux, jubilatoire et cathartique. Gageons que nous assistons ici aux prémices d’un parcours prospère pour la talentueuse Maëllis Cam et son équipe.

 

Diane Calis

 

Stade IV, protocole et crustacés a été présenté le 18 mai au Théâtre Vitez à Aix-en-Provence.