Sous un ciel de Chamaille par la Cie des Passages

 Déracinés des ailes

 

Aborder au théâtre et de façon poétique un conflit séculaire, tel est le pari, réussi, de la compagnie des Passages. Dans Sous un ciel de chamaille, les enfants deviennent nos professeurs de sagesse.

 

Le conflit israélo-palestinien a depuis longtemps franchi sa frontière géographique pour investir le monde culturel. Pourtant, Sous un ciel de chamaille, c’est un nouveau voyage théâtral et cérébral qui nous attend. Immobile face à un décor à la simplicité poétique, le spectateur fait des allers-retours imaginaires entre l’hémisphère gauche de son cerveau, réservé au traitement séquentiel des informations, et son hémisphère droit, dédié à une analyse plus globale. Dans le premier cas, nous absorbons l’histoire de Liriane l’Israélienne et Ferhat le Palestinien au fur et à mesure de son déroulement, enchaînant tour à tour sourires et peine face à ce qui leur arrive. Dans le deuxième cas, nous ne perdons jamais de vue la chamaille qui gronde, faite de fumée de canons. Pour ce périple cérébral, le véhicule de notre conscience sera personnifié par un étrange oiseau-témoin dont les paroles nous donnent souvent une becquée de réflexions. Les deux jeunes protagonistes, joués à merveille par les émouvants Wilma Lévy et Brahim Tekka, sont séparés par une diagonale de cailloux, frontière bien visible entre le haut verdoyant de la colline et son contrebas aride. Partant de l’extinction d’un faux incendie pour aboutir à une véritable pluie diluvienne, l’eau est d’ailleurs un fil conducteur du spectacle. Elle souligne que ce bien n’est pas aussi universel qu’il devrait l’être. Chacun joue, avec tout ce qu’il veut, pour Liriane, ou tout ce qu’il peut, pour Ferhat, qui se contente d’une simple pluie pour s’amuser. Divisés par l’injustice, ces innocents ont en commun d’être faits de terre, comme le rappelle Liriane, et d’être rassemblés par le jeu, créateur d’amitié, et la perte d’un être cher, pourvoyeur de peine. De séparations en retrouvailles, l’apprentissage du pardon et de l’autonomie leur apportera son lot de maturité. Et l’animal inattendu qui sort finalement de l’œuf porté par l’oiseau-témoin nous rappelle, peut-être, que l’on peut toujours échapper à un destin que l’on croyait tout tracé. Espérons qu’une telle création, si grande par l’universalité de son propos, déploie ses ailes dans le plus grand nombre de salles.

Guillaume Arias

 

Sous un ciel de Chamaille par la Cie des Passages était présenté les 28 et 29/03 à la Friche la Belle de mai (Théâtre Massalia)