Sons de Plateaux présentés à l’espace Montévidéo

Sons de Plateaux présentés à l’espace Montévidéo

Robots après tout ?

Si la raison d’être des rencontres Sons de Plateaux est le plus souvent d’imaginer les apports possibles du son au spectacle vivant, la cinquième édition nous aura donné à penser bien au-delà de ce que l’on espérait : avec l’usage de nouvelles technologies interactives qui recourent au son amplifié, sur scène, le comédien devient « machiniste », mais qu’en est-il du point de vue du spectateur ?

TOM-MAYS par Pierre-DelphEn guise d’ouverture de cette nouvelle édition de Sons de Plateaux, à Montévidéo, une courte conférence permettait de se frayer un chemin derrière le pupitre de l’artiste informaticien Tom Mays, sous la forme anodine d’une « démo technologique ». Après avoir positionné une webcam en direction du public, un logiciel dédié permettait de déclencher des sons et/ou de faire de la musique sous l’objectif. L’ayant expérimenté près du corps tel un instrument, je repartais avec la certitude qu’être épié dans ses moindres gestes par une caméra pouvait parfois avoir du bon. L’invention semblait alors évidente, tout comme ses applications. L’an dernier, avec le spectacle My Space, présenté dans le cadre du festival Les Musiques, une danseuse s’appropriait musicalement chaque centimètre de l’espace d’un bureau. Mays était derrière, n’ayant eu besoin que d’une discrète caméra fixée en hauteur pour permettre à Olivia Grandville d’animer elle-même ce ballet de sons invisibles, mais il aurait très bien pu s’agir d’une interprétation (chorégraphique) synchronisée à une bande sonore préenregistrée… Au lendemain de la conférence, le livret du spectacle Sig Sauer Pro ne livra pas tant de clés, et le piège se referma sur moi. Mélangeant simultanément et à parts égales film et théâtre, trois comédiennes incarnant de nombreux personnages des deux sexes faisaient face dans des postures plus que statiques (prostrées, en fait). S’appliquant à doubler chaque dialogue qui sortait des haut-parleurs au moyen de gros microphones, elles ne parlaient néanmoins pas assez fort pour qu’on les entende, du moins était-ce ma première impression, pour m’être assis trop loin des comédiennes. De même qu’avec le dispositif de Mays, l’invention technique en trompe-l’œil était d’autant plus performante qu’elle occupait tout l’espace sonore : les dialogues sortaient en réalité de la bouche des comédiennes, les voix transformées par un logiciel de synthèse vocale en celles de « Damien », « Christine » ou « Jean-Jean » à l’instant même. Ainsi, la captation des mouvements et de la voix impose au comédien qui les déclenche d’être précis, et sans doute qu’il doit se vouer dans une certaine mesure à ce dialogue avec la machine. Sans négliger la capacité des spectateurs à s’adapter constamment à des technologies impensables la veille, l’interprète — devenu opérateur — ne devra pas oublier qu’il est avant tout comédien : un nouveau travail de fond sur son expressivité lui sera nécessaire pour continuer à exister, envers et contre tout, sur scène.

Texte : Jonathan Suissa
Photo : Tom Mays par Pierre Delph

Ces premières soirées de Sons de Plateaux ont été présentées du 27 au 30/04 à l’espace Montévidéo. Les rencontres se poursuivent jusqu’au mois de juin.
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