Ryan Jordan

Sonic Protest à Marseille

L’art et la matière

 

Périlleux d’utiliser une terminologie ou une autre pour décrire les courants musicaux mis en avant par l’aventureux festival Sonic Protest. Contentons-nous donc de parler de son décrochage marseillais en marchant sur des œufs.

 

« Nous sommes affiliés aux musiques expérimentales, mais une fois qu’on a dit ça, on n’a pas tout dit. Aux débuts du festival, on parlait de musiques noise, drôles et drone. Depuis, on a élargi le champ de vision, on tient également à présenter des choses très différentes à la suite dans une même soirée. » Ainsi, l’organisateur et musicien parisien Arnaud Rivière nous prévenait-il il y a deux ans quand on l’interrogeait à propos d’esthétiques. De l’installation interactive et sensorielle post-pornographique de Quimera Rosa aux roches conductrices de Ryan Jordan, en passant par les curieuses installations musicales de Tetsuya Umeda, il convient de ne pas se hâter vers l’un ou l’autre raccourci. Quoi qu’il en soit, Sonic Protest semble notamment rendre un aspect visuel important à des pratiques plongées dans les tréfonds de la matière musicale : véritable laborantin, Tetsuya Umeda explore toute l’intimité sonore d’éléments comme l’eau ou le feu, qu’il fait évoluer à travers des objets du quotidien. Ryan Jordan utilise des minéraux ferreux comme conducteur dans ses instruments crépitants, sonores et lumineux, tandis que le projet Quimera Rosa transforme les « corps en instruments sexo-sonores par le biais de prothèses électroniques », dans une ambiance cyberpunk à la Blade Runner. Trois univers éminemment différents qui se recoupent dans la mise en exergue et l’approfondissement de ces entrelacs entre gestuelle et résultante, entre écoute et vision, image et espace. En extirpant ce que ces formes et ces pratiques contemporaines ont de plus généreux. Pas mal de bricolages et de sensations, donc, de la poésie bien sûr, fragile et fugace par essence, comme autant de tableaux dont Sonic Protest (qui se déploie désormais dans dix-neuf villes) se veut le reflet.

Jordan Saïsset

 

Sonic Protest à Marseille : du 9 au 12/04 à La Livery (4 a rue Duverger, 2e), la Galerie des Grands Bains Douches (35 rue de la Bibliothèque, 1er), l’Embobineuse (11 Bld Boués, 3e) et au GRIM (3 Impasse Montévidéo, 6e).
Rens.: www.sonicprotest.com