Le Centaure incertain de Marc Desgrandchamps © Courtesy Galerie EIGEN + ART Leipzig-Berlin

Silhouettes de Marc Desgrandchamps au [mac]

Le bleu des champs

 

Le [mac] de Marseille, récemment rénové, nous offre une rétrospective de l’artiste Marc Desgrandchamps. L’occasion de découvrir, à la lumière du jour, les immenses toiles figuratives d’un peintre qui traverse son époque de manière singulière.

 

 

Un voile de bleu traverse la toile dans une transparence qui offre au regard l’ébauche du travail, de son commencement jusqu’à sa complétude. Des silhouettes regardent la mer dans le souvenir d’une promenade sous un ciel azur. Un totem traverse la verticalité de la toile et nous interroge sur le lieu et l’époque. L’œuvre de Marc Desgrandchamps est une construction où l’aléatoire côtoie le souvenir, où l’histoire et le référent se confondent avec le contemporain. À la manière d’un rêve éveillé, les couleurs et les motifs s’entremêlent dans le jeu du pinceau. Tout est épuré, ne gardant que l’indice nécessaire au motif. L’arbre au loin devient une abstraction, les plis d’une robe s’inscrivent dans un même plan. Tout se confond et se révèle dans la transparence des couleurs. Rien n’est caché et tout nous est donné pour mieux remonter le cheminement de la pensée et le geste de la main. Une forme de plénitude nous envahit devant tant de simplicité. Ce n’est pourtant pas une peinture naïve, mais les références qu’elle convoque se diffusent et s’estompent dans la clarté de la lumière et le contraste des silhouettes.

À la fin des années 80, après une première exposition collective à vingt-sept ans au musée d’art moderne du Centre Pompidou (1987), Marc Desgrandchamps a subi les critiques d’une pensée dominante qui véhiculait l’idée d’une mort de la peinture pour offrir une place de choix à la vidéo (Pierrick Sorin, Bill Viola), au feutre (Raymond Pettibon), à l’installation et au happening (Philippe Parreno). La peinture de Marc Desgrandchamps fut considérée comme réactionnaire, parce qu’elle ne demandait qu’à être épousée du regard, sans slogan, sans revendications, à la manière d’une déambulation le long des dunes. Les années 80 étaient encore porteuses d’un idéal politique, la révolution n’était jamais loin, prête à jaillir au moindre soubresaut. Il fallait que l’art se réinvente chaque jour et affirme haut et fort l’esthétique de demain. Mais force est de constater qu’à l’entrée du XXIe siècle, le monde marchand dirige les idéaux plus que jamais auparavant et que l’artiste s’est depuis longtemps plié à la logique du marché.

La peinture de Marc Desgrandchamps redevient porteuse d’espoir parce qu’elle dialogue avec ses contemporains (Yvan Salomone, Alex Katz). Elle rassemble sur la simple question du regard, de l’ailleurs et de l’au-delà. Elle diffuse un calme et une sérénité qui s’est raréfiée. Elle redessine l’horizon pour agrandir l’espace de la pensée dans un cheminement indécis, à la lisière de l’inconscient quand tout se décide malgré nous. Entre le paysage et la présence d’un signe (la trace d’un geste), le photographique se confond avec l’abstraction dans une poésie qui convoque le surréalisme. Délaissée puis regardée, la peinture ressurgit du fond de l’atelier, parce qu’elle porte l’intelligence d’une discrétion, se tenant à l’écart de ce qui est vénéré et adulé avant d’être brûlé.

 

Karim Grandi-Baupain

 

Silhouettes de Marc Desgrandchamps : jusqu’au 31/03 au [mac] (69 avenue d’Haïfa, 8e).

Rens. : musees.marseille.fr/musee-dart-contemporain-mac

Autour de l’exposition

  • Desgrandchamps, temps mélangés, documentaire de Judith Dupasquier : projection le 2/03 à 16h, en présence de la réalisatrice et de l’artiste

  • Perceptions, performance chorégraphique par la Cie Art for Gaïa en lien avec l’exposition : le 3/03 à 16h et 17h