Sentiers de résistance urbaine

Enjeux de piste

 

Le souvenir de la rafle de 1943 revient hanter le Nord du Vieux Port, mais des artistes performers permettent aux citoyens d’entrer en résistance en revivant l’histoire.

Avez-vous déjà remarqué ces pochoirs au sol qui racontent le passé de certains bâtiments marseillais ? Peut-être avez-vous également aperçu des individus suspects se réfugier à la hâte chez les commerçants du Vieux Port ? Dans le cadre d’Ici Même (1), RedPlexus, avec l’aide d’Ornic’art, a transformé le quartier en terrain de jeu, traçant un parcours entre les caméras de la ville et les bâtiments épargnés par la Seconde Guerre mondiale. Pendant plus d’une heure, les participants aux Sentiers de résistance urbaine vont incarner un clandestin ou un passeur. A l’aide des informations qu’ils reçoivent sur leur téléphone portable et d’un kit de survie qui comprend lecteur mp3, craie et plan du quartier, ils vont devoir déjouer la surveillance des caméras de sécurité. Ils ont également pour mission symbolique d’alléger une dette historique, celle de milliers de vies échangées contre la sauvegarde de certains lieux, comme l’Hôtel de Cabre ou la Maison Diamantée. Ce marché fut conclu entre les autorités allemandes et les collaborateurs marseillais. Les révélations du parcours sont graves et l’ambiance parfois pesante. Heureusement, les organisateurs ont insisté sur la dimension ludique de l’expérience. Les apprentis résistants ont par exemple l’occasion de se délasser au Grand Hôtel Beauvau, le temps de se prêter au jeu du cadavre exquis, puisque c’est à deux pas que se situait l’ancien repaire des surréalistes, le café Au brûleur des loups (aujourd’hui OM Café). S’il convient de ne pas dévoiler toutes les surprises que dissimulent les Sentiers de résistance urbaine, il semble utile de prévenir que la curiosité, la motivation et la réactivité sont de mise, afin de vivre pleinement l’expérience.

Après avoir revisité le passé, les participants en savent désormais plus sur une face obscure de l’histoire de leur ville. Et ils ont pu remarquer le nombre insoupçonné de caméras de surveillance qui quadrillent la cité phocéenne. Car c’est un équilibre précaire mais pertinent que nous proposent ces artistes marseillais, entre le devoir de mémoire des pertes infligées par un régime autoritaire du passé, et la prise de conscience d’une dimension coercitive des nouvelles technologies (lieux publics sous haute surveillance, traçabilité induite par les smartphones…). D’une semaine sur l’autre, RedPlexus est à l’écoute des retours, ce qui lui permet de corriger les petits ratés et de rendre l’expérience toujours plus intense. Deux autres parcours sont prévus cette année, portant sur d’autres thèmes, mais toujours autour de l’idée de résistance. Les Marseillais répondront-ils à l’appel du maquis ?

Adrien Courteau-Birais

 

Sentiers de résistance urbaine : tous les mercredis et samedis à 10h et 15h. Rens. www.redplexus.org

(1) Marquages au sol retraçant l’histoire des lieux significatifs de la « Zone libre » qu’était Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la Culture.
Rens. http://www.mp2013.fr/evenements/2013/01/ici-meme-2013/