Self service

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Dans les tendances de l’année, on a pu remarquer l’engouement pour « tomber le masque », l’emploi excessif du mot « bienveillance » et les articles prêts à consommer.

Comme un bon plat surgelé qu’on sort du frigo seulement quinze minutes avant dégustation, on nous suggère, de plus en plus souvent, afin de nous faciliter le travail d’avoir un avis, de publier un article entièrement rédigé par la structure organisatrice. Si l’on a tous répondu à la question « les plats préparés sont-ils bons pour la santé ? », qu’en est-il de l’article déjà préparé ?

Jusqu’ici, la mention du terme « publi-rédactionnel » agissait en bon répulsif pour éloigner les velléités d’écrire à notre place ce que nous pensions des évènements. Cependant, le « monde d’après » donne libre cours à l’expression de son envie de fusionner publicité et rédactionnel. Il flotte un « doux » parfum de redevabilité que nous sommes supposés avoir à l’égard des structures dont nous parlons. C’est cela qui s’exprime avec l’envoi d’articles déjà rédigés, ne demandant plus qu’à être signés de nos initiales et publiés.

Nous voilà coincés dans un cycle de l’absurde : une grande partie de notre économie est construite sur de la prise d’encarts, publicité au grand jour, afin de nous permettre de proposer aux lecteurs une ligne éditoriale vivante, joyeuse, parfois maladroite mais toujours enthousiaste. Nous ne souhaitons pas proposer des articles sous vide, évidemment élogieux et remerciant sans faute les bonnes personnes.

Nourrir le désir d’arpenter la vie culturelle marseillaise et provençale est notre métier, certifié circuit court, fait localement et avec soin. S’il nous est désormais évident de l’importance de ses enjeux pour nourrir nos corps, pourquoi cela devrait être différent pour nourrir nos pensées ?

 

Nadja Grenier