Sarah Goldfarb : son premier album Heartbeat city

Sarah Goldfarb : son premier album Heartbeat city

Légende urbaine

Notre spécialiste en musiques électroniques se fend d’un bel hommage à Sarah Goldfarb, discret mais talentueux artiste marseillais dont le premier album vient tout juste de sortir.

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En préambule, recueillons-nous un instant et accordons ensemble une minute de silence aux anciennes couvertures de Trax, à la fascination que suscitait l’attitude militante des guérilleros de la techno de Detroit, à l’esprit hédoniste des vraies raves lorsqu’il était encore lisible entre les lignes de ces journaux. Tout ceci paraît loin. Car depuis les années 2000, l’électronique « s’iconographise ». L’attitude originelle, imposant la musique comme seule matière à débattre, tend à disparaître des kiosques de nos villes. C’est ainsi qu’une partie du grand public n’entendra jamais parler d’artistes moins bankable, ou officiant dans des styles fidèles à leurs origines : techno, drum’n’bass, deep house… Si l’on considère cet état de fait, Sarah Goldfarb cumule les lacunes. Loin des frasques rock-ambolesques de son surdoué confrère Danton Eeprom, il cultive l’authenticité techno comme un vigneron indépendant est attaché à son terroir. Il n’a que faire de la lumière, il préfère les spots blafards des afters. Il n’est pas à l’aise avec les jeux de rôle en interviews, et préfère transformer ces dernières en discussions musicales entre potes. D’ailleurs, lorsqu’on parle « disques » avec lui, c’est de vinyl dont il s’agit : un format qu’il privilégie toujours lors de ses prestations de Dj. Bref, Jean-Vince (pour l’état civil) pense techno, parle techno, vit techno. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’on puisse trouver dans l’ADN de son premier album, composé avec son ami JHK et distribué par le prestigieux label allemand Kompakt, quelques chromosomes communs aux vieux enregistrements de Detroit. Comme c’était le cas aux origines, l’urbanisme et le béton font partie du décor et inspirent la rugosité du moindre pied, la mélancolie de la plus simple mélodie. La répétition de thèmes très musicaux et organiques, ponctués de fines variations, est également de mise, comme les cassures rythmiques : loin d’être une compilation de titres dancefloor, l’album contient plusieurs morceaux downtempo, de longs breaks. Il s’en détache une ambiance quasi cinématographique, à l’envoûtante tristesse. Les meilleures conditions d’écoute ? Une promenade nocturne en auto dans les recoins lunaires du 15e arrondissement. Mais ne nous méprenons pas : si l’esprit originel est là, les sonorités sont bien actuelles et n’ont rien à envier aux cadors berlinois. Alors si la presse française ne lui offre pas la lumière qu’il mérite, nul doute que Jean-Vince sera toujours reconnu en terre germanique, et ailleurs. Preuve en est, le mois dernier, le mythique club allemand Tresor lui ouvrait ses portes…

JPDC

Dans les bacs : Sarah Goldfarb & JHK, Heartbeat city (Treibstoff/KompaktModule)
www.myspace.com/sarahgoldfarblog