Samson et Dalila à l’Opéra de Marseille

Samson et Dalila à l’Opéra de Marseille

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Cinq sens

L’opéra présente en ce moment le Samson et Dalila de Saint-Saëns dans une version concertante. Un choix qui nous plonge de fait dans le seul plaisir — immense !— de la musique…

C’est en effet une soirée telle qu’on peut les aimer. Une de ces soirées où l’on oublie tout, portés, transportés que nous sommes par la musique, seulement la musique. En effet, la version présentée en ce moment est une version concertante, sans costumes, sans mise en scène, où les seuls effets de théâtre naîtront de l’implication des chanteurs dans la tenue de leur rôle, et seront donc plus sentis que joués. Dans cette distribution, rien ne va déparer, des seconds rôles jusqu’aux plus importants, les seules petites réserves naissant des qualités de Philippe Rouillon dans le rôle du Grand Prêtre de Dagon. Le timbre, la puissance et la clarté de sa voix en termes de diction firent soudain apparaître plus crûment les petites fautes de prononciations de ses collègues de plateau. Cela ne perturbant guère le plaisir. Dans le rôle-titre, Torsten Kerl fournit une honnête prestation et sert l’œuvre. Ses performances précédentes laissent à penser qu’il fera mieux dans les représentations de cette semaine, une fois débarrassé des néfastes effets des premiers froids. Olga Borodina semble quant à elle être de ces artistes fiables dont la présence garantit un niveau de performance certain. De cela se dégagent quelques certitudes sur un rôle qu’elle pratique depuis presque vingt ans, aussi arrive-t-elle plus conquérante que délicate. Mais cette sensation se dissipe bien vite, laissant progressivement le charme de cette voix maîtrisée nous envoûter complètement, et nous laisser coi, la bouche en cœur. Emmanuel Villaume, le chef, d’une implication physique sans faille, et dont la respiration, audible dans les premiers rangs, est à elle seule une clef, a transmis à l’orchestre son enthousiasme, sa force, son lyrisme, puis tout aussi soudainement, son calme, sa finesse sensible, son sens poétique faisant ressortir à merveille la prodigieuse qualité de l’œuvre. Pourtant, cette dernière ne cède à aucune facilité, elle n’est nullement portée par le rythme de l’action, ne cherche aucun effet facile pour nous donner un petit air à emporter chez nous. Mais que de puissance, que de nuances, que de sentiments, de frissons nous parcourent et nous pénètrent… On envie ceux qui vont assister aux prochaines représentations.

Texte : Frédéric Marty
Photo : Christian Dresse

Le concert se joue encore le 26/11 à l’Opéra de Marseille (2 rue Molière, 1er).
Rens. 04 91 55 11 10 / www.opera-marseille.fr