Rue des Musées / Musée de la Rue – Prendre place, acte I

Rue des Musées / Musée de la Rue – Prendre place, acte I au Musée d’Histoire de Marseille

Ça vient de la rue

 

Derrière la façade de verre sérigraphié du Musée d’Histoire de Marseille, les antiques joyaux culturels de la ville prolongent leur récit patrimonial dans une histoire marseillaise plus récente. Depuis le 5 novembre 2021, l’exposition participative et évolutive Rue des Musées / Musée de la Rue est venue se nicher au-dessus du Jardin des vestiges. Le projet, porté par l’Association Noailles Debout et la coopérative Hôtel du Nord, vise à une ressaisie de l’histoire de Noailles par le biais de ses habitant.e.s. Prévue sur le long cours, l’exposition a lancé son premier acte par une déambulation populaire au cœur de Marseille.

 

 

Depuis l’effondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne, Noailles souffre d’une triste réputation de quartier délabré. Ventre historique de Marseille, il avait pourtant donné des signes de convulsions bien avant qu’un trou béant ne vienne définitivement perforer son artère principale, au niveau des numéros 63 et 65. Personne n’a osé lever les yeux sur les craquelures qui lézardaient déjà les parois des vieilles bâtisses fatiguées. Une inertie générale, favorisée — ou organisée ? — par des décennies d’inaction politique sur le logement indigne dans les quartiers populaires marseillais. Au matin du 5 novembre 2018, sous le poids de l’indifférence, les premiers morceaux de la vieille ville se sont décrochés.

Aux lendemains d’une telle catastrophe, comme réponse à la sidération collective, l’association Noailles Debout commence à rassembler les témoignages des habitant.e.s du quartier. Peu à peu, l’histoire se retisse. Une première mouture d’exposition est réalisée en plein air, en septembre 2019, dans la bien nommée rue du musée. Puis l’installation se déplace au Musée d’Histoire de Marseille.

Le projet vise à recomposer, en sortant les vécus traumatiques du régime de l’indicible, la trame d’une narration collective autour de la tragédie de la rue d’Aubagne. Par la constitution d’une collection d’objets, de créations sonores et de témoignages, choisis pour leur symbolique forte et disposés avec soin dans l’espace muséal, l’exposition restitue l’itinéraire d’une reconstruction collective. Si le récit paraît parfois s’enfoncer dans le cauchemar de Noailles, fait de démolitions poussiéreuses, d’arrêtés de péril lancés tous azimuts et de maltraitances administratives, il évite néanmoins l’écueil des déplorations inhibantes et contreproductives.

À l’issue de l’exposition, tout porte le visiteur à continuer son cheminement jusqu’à Noailles : le rappel de la rue, « comme seul champ d’expérience véritable »(1). Le trou laissé par l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, toujours à vif trois ans après le drame, laisse songeur… Prémisse d’un Acte II ?

 

Gaëlle Desnos

 

Rue des Musées / Musée de la Rue – Prendre place, acte I : jusqu’au 31/12 au Musée d’Histoire de Marseille (2 rue Henri Barbusse, 1er).

Rens. : 04 91 55 36 00 / https://musees.marseille.fr

 

Notes
  1. André Breton, cité dans Mais de quoi ont-ils peur ? de Christine Breton et Sylvain Maestraggi[]