Rosa à la Machine à Coudre

Rosa à la Machine à Coudre

Rosa, mouvement premier

Virtuose mais accessible, référencé mais insaisissable, Rosa est l’un des groupes les plus prometteurs de la scène marseillaise, bien que le mouvement qui l’anime en permanence le pousse à regarder bien au-delà. Présentations, avant la parution de l’album à la rentrée.

rosa.jpgEst-il encore possible d’inventer un langage musical alors que tout (ou presque) a déjà été dit, sans passer par la case technologique et sans verser dans les raccourcis faciles auxquels votre musique, à tort, aurait été associée ? Depuis le début de la décennie, une jeune formation locale s’essaie à répondre à cette question, tissant patiemment sa toile par le biais de concerts, de résidences, d’expériences diverses. A Marseille, Rosa n’a jamais ressemblé à personne. Il n’en reste pas moins, de l’avis de beaucoup, l’une des plus belles promesses pour qui cherche à découvrir de nouvelles sensations musicales, sans préjugés, comme ça, au feeling. Rosa, pour tenter de déblayer le terrain, se situerait donc quelque part entre jazz (dont il a gardé la formidable liberté d’exécution) et rock (pour l’énergie instinctive). Seulement : Rosa ne fait pas de jazz-rock. Surtout pas. Il ne vise pas la démonstration technique, pas plus que les académismes ou les étiquettes et d’ailleurs, il ne fait pas non plus de « post-rock », de « nu-jazz » ou de quelconque autre mouvance intéressante, mais fatalement réductrice. Rosa est un groupe arty parce qu’il a un cursus, des envies, des influences qui parlent pour lui, et en cela, le premier groupe qu’il nous évoque est Gong : celui de la première période, mai 68 et l’école de Canterbury, alors que tout restait à faire et que l’effervescence artistique se mêlait au bordel ambiant — juste avant la fin des idéaux, juste avant que Gong, justement, ne se dirige vers un jazz-rock lénifiant… Comme lui, Rosa se cherche et, avec la parution prochaine de son premier album (1), il semblerait qu’il se soit trouvé. Comprendre : le disque est bon, foisonnant d’idées, singulier, mais il est aussi la première porte d’entrée dans un work-in-progress qui ne s’interdira rien. Enregistré avec Sylvain Thévenard (ingé-son de référence dans le circuit du jazz et des musiques traditionnelles) entre la Gare de Coustellet (84), la Friche et Paris, ce premier album est l’œuvre d’un groupe compact, manifestement stabilisé après plusieurs changements de line-up : sept musiciens au départ, cinq à l’arrivée — et pas forcément les mêmes. Si Virgile Abela (guitare) est un pilier historique de l’affaire, il se défend d’en être le pivot : chacun, d’Emilie Lesbros (chant) à François Rossi (batterie), de Rémy Decrouy (guitare) à Stéphane Diamantakiou (basse), participe au processus de composition. Et au choix de la direction à prendre. Vu le CV de tout ce petit monde, le contraire eut été étonnant : souvent issus du conservatoire, toujours prompts à opérer des croisements avec d’autres disciplines artistiques, les cinq de Rosa forment naturellement un « supergroupe », puisqu’ils excellent chacun dans leur registre et — surtout — que l’alchimie fonctionne. De Ferdinand Richard (qui les a accueillis en résidence avec l’AMI) à Claude Gravier (qui leur avait l’an passé commandé une création pour le Charlie Jazz Festival de Vitrolles), plusieurs influents « décideurs » ne s’y sont pas trompé. Rosa, parce qu’il est déjà mature sans être — par définition — arrivé à maturité, parce qu’il a choisi l’anglais pour s’exprimer artistiquement, est un groupe qui a vocation à s’exporter. Pas étonnant, dès lors, qu’il se sente à l’étroit à Marseille, et plus proche de certains groupes français qui commencent à dessiner une scène (Kourgane, Tapetto Traci, Rockingchair, Caroline…). On ne manquera pas d’en suivre l’évolution, sa nature profonde.

PLX

(1) Sortie en octobre (Koliapov/DG Diffusion)

Rosa présentait son album le 28 mai au Balthazar, et sera aussi en concert le 19 juin à la Machine à Coudre. Rens. www.myspace.com/rosagroup