Edge Stones de Richard Nonas

Richard Nonas – Tongue/Mother-Tongue à Vidéochroniques

D’autres mots pour le dire

 

Star new-yorkaise de l’art contemporain, complice de Richard Serra et Gordon Matta-Clark, Richard Nonas s’empare de Vidéochroniques pour une exposition non discursive mais au fort pouvoir évocateur, à l’instar du travail de l’octogénaire (!), méfiant envers ceux qui parlent pour ne rien dire…

 

Passer outre l’âpreté des œuvres de Richard Nonas pour se laisser prendre par l’environnement solennel et sensoriel qu’il propose… Y rester un moment, se promener entre les 175 modules — blocs d’épicéa aux effluves de pinède posés en équilibre à même le sol et axés vers le plafond — et se laisser imprégner de toute la sérénité qui se dégage de l’installation-sculpture… Poser des questions à Elsa Roussel, l’hôtesse des lieux, si l’on veut en savoir plus. Ou bien s’en tenir à l’expérience quasi mystique proposée par cette œuvre qui sait se taire pour nous amener à prendre conscience de nous-même, ici et maintenant.
L’exposition Tongue/Mother-Tongue (Langue/Langue maternelle), dont le titre résonne paradoxalement avec une sculpture peu bavarde, « sans mot » dirait Nonas, renoue avec le passé des espaces qui accueillent aujourd’hui, dans le Panier, Vidéochroniques, à savoir une ancienne menuiserie. Jadis, Richard Nonas fut anthropologue avant de devenir artiste, presque à son insu si l’on en croit ses propres mots. Au-delà de sa forme répétitive et basique (des parallélépipèdes de 70x15x12 cm), sa sculpture non discursive, coincée entre art minimal et land art, n’est pourtant pas muette, puisqu’elle n’a de cesse de révéler. Car c’est dans son rapport à l’espace et par un autre langage que Nonas raconte. Par la langue des formes et des matières, moins encline à trahir ses pensées. L’art n’est-il pas cette autre forme de langage pour exprimer ce que les mots peinent à dire ? L’art est un mode de pensée en soi, en parler est impossible (comme le dit si bien Richter), voire dénué de sens. Il n’empêche, les œuvres de Richard Nonas, qui ne font jamais fi du lieu qui les contient, nous « parlent » : elles questionnent ce lieu et redonnent à son histoire une matière non palpable mais pourtant bien tangible. Avec de simples blocs de matière et leur « installation dans un espace », l’artiste souligne quelque chose que nous devons aller chercher nous-même et qui marque le fait intraduisible que nous nous trouvons ici, en ce lieu.

Céline Ghisleri

 

Richard Nonas – Tongue/Mother-Tongue : jusqu’au 23/11 à Vidéochroniques (1 place de lorette, 2e).
Rens. 09 60 44 25 58 / www.videochroniques.org

A voir aussi : sculptures et petits formats de l’artiste + photos de Bernard Plossu à l’Atelier Archipel (8 rue des Douaniers, Arles).
Rens. 06 21 29 11 92 / www.atelierarchipelenarles.com