Louis Vanhaverbeke Multiverse © Jolien Fagard

Retour sur Le festival Parallèle #8

Divers gens, convergents

 

Au-delà de sa programmation, aventureuse et radicale, Parallèle a posé des actes forts, ancrant définitivement le — encore jeune — festival dans le paysage culturel local.

 

À ceux qui pensent qu’un festival se réduit à une succession de propositions artistiques, fussent-elles audacieuses et passionnantes, l’équipe de Lou Colombani, enrichie d’une vingtaine de bénévoles pour assurer une logistique complexe, a apporté un brillant démenti. D’abord par la multiplication des partenariats : Parallèle s’est ainsi déployé dans toute la cité phocéenne, de la Gare Franche à Montévidéo, des Bernardines au Théâtre de l’Œuvre, du Merlan au Gymnase, en passant par le FRAC, le Mucem ou le Studio Fotokino. Il se raconte même que le Bar du Peuple à Noailles a exceptionnellement éteint sa télé pour accueillir ce petit monde…

Des collaborations qui sont également manifestées par une superbe exposition photo réalisée avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles à la Galerie Maupetit ou une projection au Variétés de films courts réalisés par des cinéastes de la nouvelle génération, en partenariat avec le FIDMarseille.

Malgré sa jeune existence, le festival a également été à l’initiative d’un petit salon professionnel de programmation artistique, au cours duquel ses « aînés » (le Festival de Marseille, ActOral, Dansem et les Rencontres à l’Échelle) ont présenté chacun les créations en cours d’artistes émergents qu’ils soutiennent.

Convaincue que les « formes contemporaines s’adressent à tous », l’équipe de Parallèle a aussi développé des ateliers de pratique artistique destinés aux enfants et, surtout, un atelier de regard critique avec des élèves de collège, de lycée et de formations supérieures. Encadrés par des journalistes professionnels, ces derniers ont pu partager leurs expériences — via une « Gazette Parallèle » et une rencontre publique au Conservatoire, diffusée sur Radio Grenouille — et relier la programmation du festival à des questions aussi bien artistiques que politiques.

En titrant son édito « Chambre d’échos », Parallèle a ainsi donné la meilleure définition possible de lui-même : une plateforme ouverte sur l’extérieur, une « communauté incluante » parlant à l’intelligence de chacun, pour poser un regard inédit sur le monde qui nous entoure.

 

CC

 

Le festival Parallèle était présenté du 26/01 au 3/02 à Marseille.
Rens. : www.plateformeparallele.com

 

On a vu, on a aimé…

 

Place d’Adina Secretan est un grand cri punk, lucide et muet, qui brutalise la notion d’espace et la question de la place qu’il faut se faire pour être heureux dans sa petite coquille, des comportements et compromissions que cela engendre notamment pour les artistes subventionnés. Le parti pris formel est radical, le geste artistique est politique ; il dénonce autant le cynisme des politiques de gentrification que l’entre-soi des pratiques artistiques et culturelles qui leur servent parfois de paravent ou d’alibi. Un manifeste totalement nécessaire. Plus « Hate & War » que « Quel Amour ! ».

OP

 

 

Dans Multiverse, Louis Vanhaverbeke fait exploser le rien et nous emmène dans l’espace avec un talent poétique généreux et singulier. Frisbees, arrosoirs, platine tourne-disques, skateboards, etc. sont les ingrédients qu’il utilise pour créer une installation sonore cinétique exponentielle et délirante, une genèse cosmique et comique d’une grande sophistication. Athlétique et impassible à l’instar de Buster Keaton, il frappe très fort en ayant l’air de rien, captive le public par sa créativité exubérante et son originalité : ce garçon va devenir incontournable !

OP

 

 


La Divine Comédie du Vasistas Theatre Group est un road trip spirituel et intense approfondissant les codes narratifs développés par la compagnie, basés sur le potentiel expressif du corps et sur la dimension musicale de la choralité, appuyée ici par un quatuor à cordes intégré à l’action. La sensation prime, se déploie et, entraînés dans un phénomène d’hypnose, on passe d’une sensation d’étouffement, d’enfermement, à une sorte de plénitude où l’espace se dilate, mettant le spectateur en apesanteur. Un spectacle exigeant et lumineux…

OP

 

 

Avec La Caresse du Coma, Anne-Lise Le Gac nous a offert un moment d’une liberté et d’une puissance folles. L’artiste visuelle, adepte du net art, délivre une performance hors cadre anti-normative au possible, un work in progress à l’humour et la poésie étranges et ravageurs.

BC

 

 

Dans un autre style mais non moins puissant, l’Irlandaise Oona Doherty a conquis le public nombreux de la grande salle du Théâtre Joliette avec Hope Hunt & The Ascension into Lazarus, partition dansée et vocale d’une force et d’une pureté saisissantes. Une formidable affirmation/réappropriation de pouvoir, galvanisante à regarder.

BC

 

 

Avant elle, nous avions pu assister à l’expérience Droite/Gauche de Sandra Iché. Sur scène, le duo qu’elle forme avec la comédienne Lénaig Le Touze fonctionne à merveille, également hors des sentiers battus. Objet hybride mêlant recherche universitaire et tension intime et poétique, Droite/Gauche opère une excavation de l’histoire des ancêtres de la metteuse en scène, sur fond de mise en abyme d’un processus de création.

BC