Géhenne de Vincent Betbeze

Retour de Biennale à la Galerie Château de Servières

De bric et d’Europe

 

Le Château de Servières accueille une exposition hétéroclite réunissant les jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée, de retour de la Biennale qui s’est tenue à Rome et Thessalonique l’an dernier.

 

Octobre 2011 : tandis que la crise ébranle la Grèce, la ville de Thessalonique s’offre le luxe d’accueillir la branche « art contemporain » de la Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de Méditerranée (Bjcem), qui compte quatorze artistes provençaux. L’occasion de confronter leur créativité à celle de leurs homologues européens, et de nouer des liens avec leurs compagnons de hangar. Un an plus tard, les voici à nouveau réunis, une aubaine pour nous autres restés ici de partager cette expérience. Dans une certaine mesure seulement. En effet, les installations présentées au Château de Servières ne sont pas celles qui l’ont été à Thessalonique, mais le fruit de leurs travaux les plus récents. Lors du vernissage, chacun s’amusant à constater l’évolution artistique des autres, il est apparu que rien n’était resté figé, que la Biennale n’était pas un but en soi, mais plutôt un tremplin censé décupler l’envie et la force créatrice. Du côté du Château, l’exercice le plus délicat était d’harmoniser autant que possible une exposition forcément hétérogène, tant l’univers artistique de chacun est singulier. Epreuve réussie avec un mezze permettant de goûter un peu à tout plutôt qu’un plat unique, exaltation des sens, et tolérance zéro pour l’ennui.
Le Hasard pendulaire de Mathias Isouard nous accueille en bruit avec une installation sonore aléatoire et épurée qui tranche avec les peintures sans titres de Jérémie Delhomme (lauréat du Prix Mourlot en 2009), choses abstraites et silencieuses sur fonds monochromes. Evolution, l’installation toute en reliefs de Sophie Pellegrino, nous offre un tableau où les lignes se jouent du vide, où le regard se confond entre ombre et lumière. A côté de cet imbroglio visuel, trente-cinq secondes suffisent à Moussa Sarr pour tordre le cou aux clichés avec sa vidéo Versus dans laquelle il se met en scène. Un travail d’orfèvre, sobre et efficace. On découvre aussi, pêle-mêle, la série médiévale de Sophie Guerrive, un travail à l’encre tout en finesse ; Géhenne, l’installation très contemporaine de Vincent Betbeze ; les illustrations sur planches de skate d’Arnaud Kwiatkowski; la photographe Audrey Martin ou encore Sandra Lorenzi, collectionneuse de vieilles cartes postales qui refait l’histoire. Dans la pièce voisine, la star du télé-achat italien tente de nous vendre ce qui a priori ne sert à rien… de l’art ! Une demi-heure de palabres pour trois « œuvres d’art » façon televendita. Avec cette géniale vidéo, Younès Baba Ali pose une question qui taraude les artistes : comment vendre des objets inutiles ? Nous frôlons le missile nucléaire de JRM astucieusement dénommé Le Dernier Argument des rois, et parvenons dans une nouvelle salle vidéo… Dans l’un des films, on peut voir Sébastien Durante, dont a pu apercevoir quelques croûtes provençales dans une autre salle, tenter de vendre aux enchères des tableaux aux passagers médusés d’un wagon de TGV. Notre jeune peintre ne semble pas plus que Baba Ali détenir le sésame pour vendre de l’art, sans doute la prochaine étape à franchir pour ces jeunes pétris de talent. Tout comme en musique et dans les autres disciplines artistiques, il faudra également faire preuve de créativité dans ce domaine.

Laurent Jaïs

 

Retour de Biennale : jusqu’au 22/12 à la Galerie Château de Servières (Ateliers d’artistes de la ville de Marseille, 11-19 bd Boisson, 4e).
Rens. 04 91 85 13 78 / www.bjcem.net