© Pierre Isnard-Dupuy

Réplique de la grotte : la confortable rente d’Henri Cosquer

Selon le calcul de Marsactu, pour chaque entrée payante à la réplique de la grotte Cosquer, le découvreur de la caverne ornée des Calanques touche 14 centimes d’euros. La manne lui a déjà rapporté 49 000 euros et est prévue pour durer vingt ans.

 

 

Cosquer ce héros… « Quelle audace d’aller remonter un boyau aveugle. Il fallait le courage et la technicité d’Henri Cosquer », déclare Geneviève Rossillon, la directrice de Kléber-Rossillon, l’entreprise qui a conçu et gère la réplique de la grotte, baptisée Cosquer Méditerranée. Ce lundi 17 octobre, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur — propriétaire de la Villa Méditerranée au sein de laquelle la reproduction a été insérée — a invité plusieurs centaines de convives à célébrer la réussite de la nouvelle vocation touristique et culturelle du lieu.

Les discours se font une place dans la nuit, face au bâtiment futuriste, grâce à quelques projecteurs. « Merci d’avoir livré en temps et en heure ce joyau de l’humanité », témoigne le président Renaud Muselier à Geneviève Rossillon. Le président de la région est le deuxième et dernier intervenant à la tribune. Henri Cosquer, l’inventeur — soit découvreur — de la grotte semi-immergée des Calanques qui est ornée d’art pariétal, se tient sur le côté dans la pénombre. « Bravo monsieur Cosquer », lui adresse sobrement Renaud Muselier.

 

84 000 euros gagnés depuis le début du projet de réplique

Tous sont réunis pour célébrer les 350 0000 billets vendus depuis son inauguration le 4 juin dernier. Un succès qui bénéficie directement à Henri Cosquer. Pour chaque visiteur payant, il perçoit 14 centimes d’euros. Un rapide calcul permet donc de déterminer qu’en quatre mois d’exploitation, il a déjà perçu 49 000 euros.

Le pactole tombe grâce à un contrat signé avec la région en 2017, alors rendu public par La Marseillaise. Repris par Kléber-Rossillon dans le cadre de la délégation de service public conclue par l’entreprise avec la région. À la signature, Henri Cosquer a touché 25 000 euros pour la cession de la marque « Grotte Cosquer », qu’il avait opportunément déposée juste avant. Et l’intéressement sur la billetterie est prévue pour durer vingt ans. Si on extrapole la tendance du démarrage, le septuagénaire pourrait ainsi accumuler jusqu’à près de 3 millions d’euros.

L’ancien scaphandrier et plongeur est un homme discret qui a su faire valoir ses intérêts financiers tout au long de la saga de la reconstitution. « Lorsqu’il a déclaré sa découverte à la DRAC [direction régionale des affaires culturelles, antenne du ministère, ndlr] le 3 septembre 1991, il est venu avec son avocat », se souvient un proche du dossier. Récemment, il a encore perçu 10 000 euros supplémentaires pour avoir œuvré à la réalisation du Cro-magnon 2, reconstitution de son bateau, premier du nom, depuis lequel la découverte de l’ornement a pu être réalisée en 1991. Le petit chalutier breton en bois s’offre à la vue des visiteurs dans le bassin situé sous le porte-à-faux de la Villa Méditerranée. En tout, Henri Cosquer a donc déjà amassé 84 000 euros.

Ces rémunérations importantes paraissent justifiées aux yeux du directeur de Cosquer Méditerranée. La conception du bateau a nécessité « six mois de travail », précise Frédéric Prades, le directeur de Cosquer Méditerranée. Entre deux sollicitations durant la soirée de gala, il complète : « Il a traîné ses guêtres pendant trente ans à la mairie, à la région, etc. C’est lui qui a convaincu les politiques de faire cette réplique », argumente-t-il. « Il faut bien comprendre de quoi on parle. Ce bijou de l’humanité a 30 000 ans. Il fallait verrouiller tous les dispositifs. Le succès passe par les détails », expose pour sa part Renaud Muselier. Le président de la région reconnait que l’ancien directeur du club de plongée de Cassis « a fait une très bonne affaire », tout d’abord d’un point de vue honorifique : « Un truc à dimension mondiale porte son nom pour plusieurs générations. »

 

« Jurisprudence Chauvet »

Henri Cosquer, résume l’œuvre de sa vie comme un don au public. « Ce n’est pas pour l’argent, c’est pour rendre ces peintures visibles à tous », affirme-t-il avant même d’être interrogé sur l’aspect financier. « Arrêtez avec le pognon. Le pognon, le pognon, la vie ce n’est pas ça. Essaye déjà d’arriver à faire un projet comme ça ! », s’emporte-t-il ensuite, avant de couper court pour trinquer avec des connaissances. « Pendant des décennies, il n’y a qu’Henri qui a eu le souci qu’un fac-similé soit réalisé », ajoute une de ses amies cassidaines.

Aux côtés du président Muselier,  Kléber Rossillon, fondateur de la société éponyme, analyse les conditions du contrat à la lumière de l’imbroglio judiciaire qui s’est joué autour de la grotte Chauvet, découverte en 1994 par trois spéléologues. La réplique ouverte en 2015 de cette grotte ornée majeure du sud de l’Ardèche est également gérée par son groupe. Pendant vingt ans, les questions pécuniaires autour de la marque « Grotte Chauvet » ont agité les tribunaux entre les inventeurs, les propriétaires des terrains expropriés et le syndicat mixte chargé du chantier de la réplique. « Il y a une jurisprudence Chauvet. C’était un pataquès avec procès sur procès. L’État a compris qu’il fallait que ça ne se reproduise plus », considère Kléber Rossillon.

Du côté de Marseille, l’État et la région se sont répartis leurs tâches en 2017 alors que le projet était en train de se finaliser. Propriétaire de la grotte originelle, l’État met à disposition ses ressources iconographiques et scientifiques. Charge à la région de définir les conditions de la délégation de service public pour faire l’aménagement et exploiter la Villa Méditerranée.

« Henri Cosquer a déposé sa marque alors que le projet de réplique était déjà lancé. La loi ne prévoit pas qu’il y ait explicitement une rémunération, mais je voulais qu’il soit dans le coup, l’embarquer dans le projet et qu’il n’y ait pas de polémique supplémentaire », précise Pierre Fiastre, assistant à maîtrise d’ouvrage pour la région sur le projet et par ailleurs auteur d’un livre sur la mutation de la Villa Méditerranée. Il ajoute : « Ça va lui faire une belle retraite, mais ça ne met pas en péril l’équilibre. » Autour de Cosquer Méditerranée tous les acteurs peuvent prospérer.

 

Pierre Isnard-Dupuy et Jean-Marie Leforestier

 

 


Les compagnons de découverte d’Henri Cosquer veulent compter dans l’histoire

Henri Cosquer n’était pas seul au moment de la découverte des peintures rupestres au cours de l’été 1991. Cendrine Cosquer, Yann Gogan, Pascale Oriol et Marc Van Espen se manifestent dans les médias depuis l’ouverture de la réplique afin d’être cités dans l’histoire donnée aux visiteurs. Après la découverte d’une main projetée, à la lueur d’une lampe, « nous y sommes tous retournés. Éparpillés dans la grotte, on se criait “Là y a des chevaux, là y a un bison” », témoigne Pascale Oriol, alors monitrice au club de plongée cassidain. « On a tous un boulot. On n’a pas besoin d’argent », ajoute-t-elle. Lundi soir, Geneviève Rossillon les a cités nommément dans son discours. « C’est déjà énorme, on ne s’y attendait pas du tout », commente Pascale Oriol. La directrice de Kléber-Rossillon nous a assurés qu’ils avaient été invités et que Cendrine Cosquer, la nièce, était présente. Démenti des intéressés qui disent ne pas avoir été conviés et de Cendrine Cosquer, restée à la Martinique où elle réside. Sur place, la reconnaissance officielle de leur apport dans la découverte avance timidement, à l’image d’une photo de groupe sans légende accrochée depuis lundi dans la pièce qui reproduit le club de plongée.