Rencontres Projections Plurielles

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La troisième édition de la manifestation Projections Plurielles investit derechef, du 6 au 11 mars, de nombreuses salles à Marseille et en Région, pour un ensemble de projections-rencontres témoignant du dynamisme de la production cinématographique, libérée des diktats patriarcaux.

 

 

Depuis l’orée du 20e siècle, donc presque depuis ses origines, l’industrie cinématographique a modelé les représentations de genre et de sexe de manière spectaculaire, l’image en mouvement bénéficiant d’une formidable popularité qui en fit une arme redoutable de propagande. L’on songe bien évidemment à la production hollywoodienne, aux avant-postes de cette dynamique toxique. Avant que les nababs des majors américaines ne prennent les rennes d’une industrie juteuse, les femmes, entre 1900 et 1920, avaient régné sur Hollywood, fondant un système bouillonnant d’idées et d’expérimentations, privilégiant une formule paritaire, avant d’être rayées de l’histoire — nous avons souvent évoqué dans ces colonnes les parcours de Frances Marion, Mary Pickford ou Lois Weber, ainsi qu’Alice Guy-Blaché dans l’hexagone. Les hommes ne se sont pas contentés de dérober cet héritage : aux manettes des productions, ils ont modelé les représentations sur grand écran des personnages féminins. Peu ou prou, la femme au cinéma devenait mère docile ou femme fatale aux mœurs récusables, véritable objet caricatural de fantasme pour le public masculin. Il était grand temps que ce règne délétère, vieux de plus d’un siècle, vacille : depuis quelques années, ce géant aux pieds d’argile est au cœur de l’actualité et des scandales. Mais la lutte sera rude et ne vit là que ses prémices, c’est dire l’importance de tout événement qui contribue à faire exister un cinéma autre, s’emparant des trajectoires individuelles et collectives. Du 6 au 11 mars — avec une soirée en préambule le 15 février –, la troisième édition de la manifestation Projections Plurielles s’inscrit pleinement dans cette dynamique ! À l’initiative de la Métropole Aix-Marseille-Provence, et avec le soutien programmatique et logistique de Videodrome 2, cet ensemble de séances spéciales investira les salles phocéennes (le Videodrome 2, la Baleine, les Variétés, l’Alhambra, le Gyptis), mais également régionales (l’Eden-Théâtre à La Ciotat, l’Institut de l’Image et le Mazarin d’Aix-en-Provence, la Cascade de Martigues, le Méliès de Port-de-Bouc ou l’Espace Gérard Philipe de Port-Saint-Louis-du-Rhône). Soient une douzaine de films projetés, accompagnés d’invitées passionnantes, qui contribuent à l’excellence de la proposition. À commencer par la séance du beau dernier opus de Sébastien Lifshitz, Madame Hofmann. Le réalisateur du fort remarqué Petite Fille brosse ici le portrait émouvant et intime de Sylvie, infirmière à l’Hôpital Nord de Marseille, avec la maestria qu’on lui connait pour atteindre le cœur des âmes et réécrire le sens de l’altérité. Alors que le Gyptis accueillera la séance de Born in Flames de Lizzie Borden, qui nous entraîne dans un New York au bord de la faillite, bouillonnant d’énergie frondeuse, Christine Ishkinazi, du festival Films Femmes Méditerranée, présentera dans la cité aixoise le classique de Mai Zetterling Les Filles en copie restaurée, comédie féministe suédoise dans laquelle irradient Bibi et Harriet Andersson, figures tutélaires de l’œuvre d’Ingmar Bergman. À l’ouest de l’Étang de Berre, nous retrouverons par ailleurs un florilège de belles propositions, du dernier film de Christine Angot, Une famille, à la Cascade de Martigues, en présence de l’anthropologue Dorothée Dussy, à la séance de L’Amour et les Forêts de Valérie Donzelli, à l’Espace Gérard Philipe de Port-Saint-Louis-du-Rhône, en présence de Sophie Aubradour de la Maison Départementale des Solidarités, en passant par la projection du saisissant Apolonia, Apolonia de Lea Glob, au cinéma le Méliès de Port-de-Bouc, portrait subtil de l’artiste Apolonia Sokol. Enfin, la cinéaste Martha Mechow présentera au Videodrome 2 le puissant Losing Faith, parallèlement, au sein des diverses salles sélectionnées, des séances de La Nouvelle femme de Léa Todorov (le 15/02 au Variétés), Il reste encore demain de Paola Cortellesi, Smoke Sauna Sisterhood d’Anna Hints, Quitter la nuit de Delphine Girard ou Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu. Un corpus d’œuvres qui témoigne d’un geste de programmation particulièrement pertinent et intelligent, pour une troisième édition de Projections Plurielles de magnifique facture !

 

Emmanuel Vigne

 

Rencontres Projections Plurielles : du 6 au 11/03 dans les Bouches-du-Rhône.

Rens. : www.videodrome2.fr/projections-plurielles-2024/

Le programme complet des rencontres Projections plurielles ici