Rencontres internationales de cinéma d’Aflam 2021

L’Aflam des révolutions

 

Après une septième édition annulée en 2020, l’équipe d’Aflam nous revient virtuellement, pour notre plus grand bonheur, avec un huitième chapitre proposé gratuitement en ligne : du 26 mars au 4 avril, les Rencontres Internationales de Cinéma, consacrées aux œuvres protéiformes du Maghreb et du Moyen-Orient, nous permet une fois encore d’embrasser toute la beauté des cinématographies arabes. 

 

 

Voilà près d’une décennie qu’une vague de soulèvements et de révolutions, historiques, ont secoué les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences micro (à l’échelle de chaque pays concerné) et macro (sur un plan géopolitique mondial) de ce séisme populaire dont la réplique de 2019 continue d’ouvrir des perspectives, mais ces révolutions ont sans conteste secoué les « méta-facteurs de transformations de l’ordre politique », comme le rappelait le Centre Arabe de Recherche et d’Études Politiques de Paris.

Indéniablement, les cicatrices ouvertes restent à vif, et le cinéma — dans une partie du monde où sa production reste l’une des plus passionnantes qui soient — témoigne depuis toutes ces années d’une convergence des luttes, d’un regard aiguisé sur ces sociétés en mouvement, des destinées individuelles, de la résonnance entre parcours humains et marche de l’histoire.

Dans la cité phocéenne, l’un des plus sémillants festivals consacrés aux cinématographies arabes nous offre, depuis de longues années, l’occasion de découvertes rares donc précieuses : Aflam et ses Rencontres Internationales de Cinéma distillent une programmation remarquable, savant équilibre entre réinvention des langages et reflets des bouleversements socio-politiques, dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.

Après une édition 2020 annulée, l’équipe organisatrice a concentré son énergie à proposer une huitième édition de l’événement exclusivement en ligne, et gratuite, à l’instar des manifestations maintenues depuis octobre dernier. Au menu, près d’une vingtaine de films à découvrir pendant 48h dans la limite des places disponibles sur le site d’Aflam, qui « posent les questions liées aux sociétés contemporaines des pays arabes et aux conditions de vie des peuples en exil ou en diaspora. »

Trois grands axes émergent cette année de cette nouvelle proposition : Traces de la révolution et récits de lutte s’annonce tel un bilan en images de ces dix années qui ont secoué les sociétés arabes, du drame syrien toujours tristement d’actualité aux conséquences politiques révolutionnaires en Égypte ou en Tunisie. Ce que décrivent parfaitement les œuvres de Johanna Domke et Marouan Omara (Dream Away, vision surréaliste d’un hôtel fantôme, maintenant ses activités au sein de la station balnéaire abandonnée de Sharm El Sheikh), de Boutheyna Bouslama (À la recherche de l’homme à la caméra), de Marwa Zein (Karthoum Offside, émouvant portait de femmes prêtes à défier les interdits pour leur passion du football dans un pays, le Soudan, lui aussi à l’aube d’un profond bouleversement social et politique) ou de Meryam Joobeur, pour son magnifique opus Brotherhood.

Autre thématique abordée cette année par l’équipe d’Aflam : les drames de la colonisation et ses braises toujours vives, qui alimentent aujourd’hui encore les débats politiques des deux côtés de la Méditerranée : avec les cinq films sélectionnés dans l’écran parallèle Que reste-t-il des colonies ? Regards et enquêtes de cinéastes, de Mon cousin anglais de Karim Sayad à L’Étoile bleue de Valentin Noujaïm, en passant par Amara de Pierre Michelon et Fouad Mennana, The Feeling of Being Watched d’Assia Boundaoui ou Dans la maison de Karima Saïdi, c’est toute les questions d’exils (intérieurs, extérieurs), de domination, d’histoire tronquée, d’impérialisme toujours palpable, qui font ici sens et liens.

Enfin — autre exemple, dramatique, d’une colonisation brutale et insidieuse —, Palestine : l’histoire n’est pas finie regroupe quatre films de toute beauté, démontrant la puissance cinématographique et narrative que développent les cinéastes palestiniens sur les exactions quotidiennes que subit ce peuple depuis trop longtemps, dans une quasi indifférence politique des grandes institutions internationales. An Unusual Summer de Kamal Aljafari, 200 mètres d’Ameen Nayfeh, Of Land and Bread d’Ehab Tarabieh et 3 Logical Exists de Mahdi Fleifel étirent les fils de l’exil, des frontières, des luttes et des violences vécus par le peuple palestinien.

Autant de films, virtuellement présentés cette année par la poignée de vidéos d’introduction composées par les cinéastes, qui développent un corpus cinématographique incontournable pour saisir de manière kaléidoscopique la richesse quant à la production des pays arabes, et ses complexes enjeux sociaux et politiques.

 

 Emmanuel Vigne

 

 

Rencontres internationales de cinéma d’Aflam : du 26/03 au 4/04 en ligne sur online.aflam.fr

Pour en (sa)voir plus : https://www.aflam.fr/