Quintet Bumbac live à la Cité de la Musique

Complètement à l’Est

 

 

À l’occasion de la sortie de leur album Miroirs, les musiciens du quintet Bumbac se sont retrouvés la semaine passée à la Cité de la Musique de Marseille pour un enregistrement inédit à voir en ligne : l’occasion de nous présenter l’étendue de leur répertoire, teinté de diverses influences des Balkans. Une expérience musicale à la croisée des genres, une pérégrination de la Turquie à la Roumanie.

 

 

Nous avons tendance à considérer les Balkans comme un tout : la renommée internationale de Kusturica, Bregovic ou encore Abramovic a provoqué un sentiment excessif d’unicité dans l’imagination collective. Cependant, à la pluralité des religions, de l’histoire et des conflits s’ajoute celle des langues, ou bien des niveaux de langue… Une diglossie parfaitement maîtrisée par Bumbac qui se décrit lui-même comme étant à mi-chemin entre la musique traditionnelle et la musique de chambre.

C’est le parti pris de David Brossier, à la tête de l’ensemble, exclusivement composé d’instruments à cordes (violon, violoncelle, alto, viole d’amour et contrebasse) qui mêlent leurs timbres dans une joyeuse mosaïque. La richesse et l’harmonie de leurs possibilités acoustiques donnent à entendre, mais aussi à voir, avec des techniques de jeu clairement identifiables et grâce à une mise en scène discrète qui oriente le regard. Certains morceaux en sont l’illustration parfaite : à la manière d’une boucle influencée par les ensembles bulgares, une conversation à trois éclot, violons et alto en tête, rejoints par le violoncelle et la contrebasse. Les instruments nous entraînent dans une atmosphère mystérieuse, dramatique, bucolique, radieuse…

L’interprétation personnelle des musiciens tient une grande place dans ce quintette, qui met à l’honneur l’improvisation lors des nombreux solos. Les musiciens, d’origine française, sont passionnés par cette région du monde. Leur oreille semble habituée depuis des années à ces univers multiples.

Ainsi, Miroirs est le symbole d’une réécriture, d’une recherche dans ces influences musicales. Chaque morceau explore un concept et un style, une nouvelle facette permettant de couvrir dans son intégralité cette région multiple par la forme d’art qu’elle chérit le plus.

Selon le musicien-compositeur, la musique balkanique se situe au cœur de deux manières très différentes de concevoir la musique, à laquelle s’ajoute une spécificité d’appropriation de chaque pays, dans une variété de timbres et d’émotions. L’Occident, dans cette recherche d’harmonie, rencontre la mélodie orientale et se confronte à son rythme, dont les gammes et échelles sonores y sont bien plus complexes. En découle également l’idée de Bumbac : le « coton », en roumain, dont l’aspect doux et soyeux contraste avec un phrasé percussif.

De manière plus personnelle, cet album se présente aussi comme un clin d’œil de tous ces « musiciens-chercheurs » qui ont permis la circulation de tous ces genres et que les membres du groupe ont rencontrés au cours de leurs voyages.

À l’heure actuelle, dans les Balkans, la situation des musiciens n’est pas des plus enviables ; le budget alloué aux divertissements artistiques s’est considérablement réduit lors des événements accompagnant la vie (mariage, enterrement, etc.), développant une « musique de la demande » en perpétuelle évolution. Cette situation accentue la concurrence entre les artistes et précarise d’autant plus l’emploi.

Pour autant, la nouvelle création du quintet Bumbac offre en fin de set une synthèse touchant à l’universel, nous laissant ainsi nous débrouiller avec une symphonie entêtante. Le temps d’une écoute, l’importance des frontières géographiques s’efface.

 

Laura Legeay

 

Retransmission du live enregistré à la Cité de la Musique le 18/02 à 20h30 sur https://www.quintetbumbac.com/