Quartet Pascal Versini/Gérard Murphy/Eric Surmenian/Thierry La Rosa au Rouge Belle de Mai

Quartet Pascal Versini/Gérard Murphy/Eric Surmenian/Thierry La Rosa au Rouge Belle de Mai

pascal-versini.jpg

Du bleu au Rouge

Si les lieux d’expression jazz de qualité se font rares dans la cité phocéenne, il est des projets d’exception, à l’instar de celui porté par le pianiste Pascal Versini au restaurant Rouge Belle de Mai.

C’est le piano quart de queue superbement accordé prêté par la patronne, Corinne, qui a d’abord fait baver d’envie Pascal Versini. Après trois ans à animer des bœufs à la Plaine avec la féroce envie de dynamiser une scène jazz sur Marseille, notre homme a l’impression de « ne plus entendre sa ville ». Aussi imagine-t-il un club jazz dans cet ancien garage Renault reconverti en restaurant, au cœur de La Belle de Mai, si près de la Friche, mais si loin des « cultureux ». Une situation géographique qui lui permet de « redécouvrir sa ville, de se remettre à son écoute… Jouer au Rouge, c’est jouer à la maison », explique-t-il, et ce aussi bien en son nom qu’en celui de son compère saxophoniste Gérard Murphy, l’autre moitié du projet. « C’est un peu comme un lieu du Queens… Une sorte de speakeasy (1), d’autant plus que la patronne est ouverte et cultivée. » Et évidemment, jouer dans un quartier populaire, c’est « retrouver les racines du jazz » tout en rejetant l’opposition factice musique populaire/musique savante. Etrange destin que celui de Pascal Versini, marginal de la note bleue qui revendique son « côté punk » de musicien voyageur insatiable, entre le Venezuela, Taïwan, et le troisième arrondissement de Marseille. Longtemps activiste des arts de la rue et chercheur de sons dans le légendaire groupe Wankatao, il ne pense pas tant à poser ses valises qu’à développer son projet de club de jazz. Partir d’un point de vue artistique, sans en faire tout un manifeste, mais en gardant un esprit « underground » avec la précarité financière qui caractérise son destin. A ce sujet, il ne manque pas de citer l’écrivain Thomas Bernhard : « L’artiste qui est conséquent avec lui-même est voué à l’anéantissement social… » La prise de risque est évidente et la reconnaissance des institutions jazz phocéennes, toujours attendue. Dans « une cité qui fût jazz », le Rouge Belle de Mai s’érige pourtant aujourd’hui en véritable « lieu de fabrique » qui conjugue excellence et convivialité, brassage des populations et des musiciens, résistance artistique et urgence poétique. Après une première soirée donnée par un sextet impressionnant, principalement composé de José Caparros à la trompette et Jean-Michel Sourisse à la flûte, la seconde soirée en compagnie de Surmenian (le contrebassiste ermite du Vallon des Auffes) s’annonce aussi suprêmement swing, avec des compositions originales et des versions des grands jazzmen américains. De quoi satisfaire l’appétence musicale de Pascal Versini, pianiste marseillais de référence, adepte de la théorie du chaos appliquée à la chose « jazzistique ».

Laurent Dussutour

Quartet Pascal Versini/Gérard Murphy/Eric Surmenian/Thierry La Rosa : le 29/04 au Rouge Belle de Mai (47 Rue Fortuné Jourdan, 3e). Réservation conseillée au 04 91 07 00 87
Brunch jazz le 1er mai et tous les premiers dimanches de chaque mois (de 11h30 à 14h) avec Mr Jo au piano. Entrée : 10 €

Notes
  1. Bar clandestin pendant la Prohibition[]