Pure et dure

Pure et dure

Maguy Marin s’affirme une fois de plus comme une chorégraphe exigeante et brillante avec Umvelt, une « chorégraphie-performance » ; long moment de réflexion intense et provocant sur notre vie quotidienne… (lire la suite)

Maguy Marin s’affirme une fois de plus comme une chorégraphe exigeante et brillante avec Umvelt, une « chorégraphie-performance » ; long moment de réflexion intense et provocant sur notre vie quotidienne.

On pourrait qualifier ce spectacle de conceptuel, intello, prise de tête, répétitif, abstrait. C’est un concept certes, poussé jusqu’au bout, à l’extrême. De sorte que certains ne supportent pas (le quart de la salle est sorti durant la représentation…). Dans toutes ses créations[1], Maguy Marin explore la vie humaine frontalement. Pas de recherche volontaire de beauté, d’esthétisme, d’émotion, bref, de facilité. Ici, tout est brut, pur, honnête. Panneaux de métal espacés derrière lesquels les interprètes apparaissent et disparaissent selon un rythme aussi régulier qu’un métronome. Musique lancinante, telles des palles d’hélicoptère (en moins bruyant). Lumière forte, souffle d’air sur les danseurs, dont les cheveux sont constamment soulevés. Neuf danseurs apparaissent sur scène par groupes de deux ou trois selon des entrées et sorties réglées au millimètre, en effectuant presque les mêmes mouvements pendant une heure dix. Mais, objectera-t-on, c’est de la danse, ça ? Et bien oui, dix fois oui, car ici le travail du corps s’avère immense (pas, jeu des accessoires, entrées, sorties, régularité parfaite, danseurs en symbiose totale). Seulement, les interprètes vont au-delà de la danse et du mouvement. Ils montrent des scènes de vie : mettre un chapeau, manger un sandwich, s’habiller… mais aussi remonter son pantalon aux toilettes, porter un morceau de viande, jeter des pierres ou des os, faire l’amour, se battre, tuer, porter une robe de mariée… Sur scène, la chair, le sol, la terre. Pas d’actes intellectuels, artistiques. Maguy Marin a été très marquée par l’œuvre de Samuel Beckett. Etre là, sans l’avoir décidé, entre ce moment où l’on naît, où l’on meurt. Ce moment que l’on remplit de choses futiles auxquelles on voue de l’importance. Ce moment dans lequel nous devons tenir debout, parler et partager la vie avec d’autres. Un « comment vivre ensemble » qui ne finira jamais de s’expérimenter. La chorégraphe l’explique ainsi : « Nous en sommes là. A inventorier des aptitudes. A aller jusqu’à l’épuisement des possibilités. Un épuisement qui renonce à tout ordre de préférence et à toute organisation de but ou de signification. Par l’expérience, la complexité devient multiplicité. Le monde n’est plus complexe, mais multiple. On ne sait pas quelles sont les postures qui se déclineront de nos interférences. Les Autres comme “mondes possibles” auxquels les déplacements, les objets confèrent une réalité toujours variable. » Au final, une création admirablement construite sur des bases philosophiques s’inscrivant dans la continuité du travail mené par Maguy Marin. Une œuvre exigeante et forte parfois difficile d’accès. Pour ceux qui ne voudront pas faire l’effort, il reste toujours Holyday on Ice


Eva D

Umwelt était présenté au Pavillon Noir du 2 au 4/02.

Notes

[1] May B, Babel, Ha ! Ha !, Ram Dam, Cortex, Quoi qu’il en soit, Pour ainsi dire… Maguy Marin travaille depuis 1998 au Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape (Rhône)