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Privés de leurs chauffeurs, les élus se consoleront avec des taxis

Si la Ville de Marseille a mutualisé les voitures et leurs chauffeurs, elle a en parallèle passé au plus fort de l’été un marché de taxis pour compléter les prestations.

 

Cela fait partie des avantages de la fonction, de ceux qui viennent souligner que vous êtes un notable. La voiture avec chauffeur vous dépose au pied de votre lieu de rendez-vous, rapplique cinq minutes à peine après l’avoir sonnée, vous emmène parfois pour vos activités privées. Ce privilège appréciable, les adjoints au maire et autres présidents de groupe de la mairie de Marseille l’ont perdu au début de l’été, en pleine enquête du parquet national financier (PNF) sur le système municipal.

Les chauffeurs faisaient partie des bénéficiaires d’heures sup’ que les gendarmes et le PNF traquent pour en vérifier la réalité. Alors, le système a été réformé à la hâte et validé le 25 juin au conseil municipal. Depuis le 2 juillet, place à la commande en ligne et à un pôle de chauffeurs que l’on sollicite au coup par coup 48 heures à l’avance, sauf urgence. La fin d’un privilège ? Pas tout à fait. Tout en affichant cette réforme, la mairie leur réserve un parachute à quatre roues. La veille du 15 août, celle-ci a en effet lancé un appel d’offres pour des prestations de taxis.

 

Un marché ficelé en urgence

Le marché vise pudiquement à « renforcer le garage Hôtel de Ville dans le cadre de prestations de transport. » À la Ville, on insiste sur le fait qu’« il permettra notamment d’assurer le déplacement de délégations et de personnalités à Marseille. » Mais il servira surtout aux élus. On trouve parmi les tâches sur lesquelles seront évaluées ces privés leur capacité à déployer de nombreux véhicules simultanément notamment pour… les conseils municipaux. Monté en urgence pendant l’été, ce marché n’a pas de montant fixé : il pourrait en coûter de 3 à 89 000 euros aux caisses publiques. Pour mettre fin aux heures sup à gogo pour les chauffeurs, la mairie préfère donc en appeler aux taxis plutôt qu’à des emplois supplémentaires.

Ce système devrait permettre de calmer une partie des élus peu satisfaits du nouveau système. Plusieurs d’entre eux, que nous avons interrogés, jugent en off le système peu pratique, chronophage et la réforme cosmétique voire démagogique. Surtout, là où un chauffeur pouvait aussi accomplir quelques déplacements privés, les ordres de mission et le fait de ne plus être lié hiérarchiquement à un élu vont compliquer la mécanique. Et ce n’est pas la carte RTM et le parking gratuit à l’Hôtel de Ville qui semblent de nature à calmer le jeu. Un ténor de la majorité Gaudin lâche même : « Je suis sûr qu’on reviendra sur cette réforme. » Pour l’instant, elle est en phase de test jusqu’à la fin de l’année.

 

L’élu qui ne rendait pas sa voiture

Cet élu de la majorité n’est pas le seul à traîner des pieds. Durant l’été, le directeur général des services Jean-Claude Gondard a dû se fendre d’un courrier pour demander à Laurent Comas de bien vouloir rendre la Citroën C4 qui lui était affectée, sans chauffeur. Cet élu dissident d’extrême droite avait continué à bénéficier de cet avantage, même après la dissolution express du groupe créé avec quatre anciens élus du Front national. Interrogé par nos soins, Laurent Comas a expliqué à Marsactu que le véhicule « ne fonctionnait pas » et indiqué « ne pas savoir » où il était garé.

Dans le courrier qui lui était adressé, Jean-Claude Gondard a dû se fendre d’un rappel qui vaut pour lui comme pour d’autres : « J’attire votre attention sur le fait que le dispositif est strictement et exclusivement destiné aux déplacements liés à l’exercice de votre mandat municipal. Hors du territoire de Marseille, ces déplacements doivent faire l’objet d’un ordre de mission. » Et sur ce plan-là, taxi ou chauffeur du pool, la règle est — sur le papier — la même.

 

Jean-Marie Leforestier