Pourriture(s) II

Pourriture(s) II

Si le service presse de la Ville de Marseille nous avait habitués, ces dernières années, à une communication pour le moins minimaliste, se résumant plus ou moins aux réactions du maire suite aux décès de personnalités publiques ou à divers exploits sportifs, les choses ont pris une tout autre tournure depuis le drame de la rue d’Aubagne le 5 novembre dernier. Comme un révélateur de la panique qui a manifestement saisi la municipalité. Les « points de situation » se sont faits quotidiens, d’abord pour « montrer » — photo de la « cellule de crise » à l’appui — que l’équipe municipale était mobilisée (et s’indigner au passage « de l’ignominie de certaines accusations et de la malveillance de polémiques sinistrement intéressées »), ensuite pour annoncer les évacuations d’immeubles insalubres, puis l’ouverture d’un espace d’accueil pour les habitants concernés. Depuis plusieurs jours, on ne décompte plus les personnes évacuées dans le chaos le plus absolu et à la limite de la légalité (1) ; il y en a tellement (1377 à ce jour) que ça ferait une tache de plus dans le bilan municipal concernant l’habitat indigne… Pas plus qu’on ne rend publics les arrêtés de mise en péril, qui se multiplient pourtant, après des années d’incurie. Les communiqués de presse consistent essentiellement en des appels à la solidarité des Marseillais via une collecte de dons organisée par la Croix Rouge et faisant état de « besoins urgents » en produits d’hygiène. Et si les Marseillais se sont en effet — et spontanément — montrés généreux (la semaine dernière, 10 tonnes ont été collectées et 111 familles ont reçu des dons personnalisés), qu’en est-il de la mairie ? Les témoignages, poignants, des milliers de personnes délogées (pour aller où ?) ont beau se multiplier, mettant à jour l’abandon total dont ils font l’objet, le maire n’a toujours pas prononcé la réquisition des locaux vacants alors qu’il en a le pouvoir (2) — et le devoir. D’autres mesures sont évidemment à prendre pour lutter contre le mal-logement, suggérées çà et là dans diverses tribunes (3), mais quitte à parler de « besoins urgents », autant agir en conséquence. Après des années d’incompétence, pour ne pas dire de malveillance, après des années de déni, la Ville en sera-t-elle capable ?

 

CC

 

Marche pour le droit à un logement digne pour toutes et tous : le 1/12 à 15h au métro Notre-Dame du Mont

À lire sur le sujet :

– le dossier de nos partenaires de Marsactu : marsactu.fr/dossier/dossier-lhabitat-indigne-fleau-du-logement-marseillais/

– une page Wikipédia très riche et documentée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Effondrement_des_immeubles_rue_d%27Aubagne_%C3%A0_Marseille

Notes
  1. Voir marsactu.fr/apres-les-evacuations-massives-la-ville-prend-le-risque-dune-riposte-juridique/[]
  2. En vertu de l’article L 2212-1° et 5° du Code Général des collectivités territoriales, le Maire est investi d’un pouvoir de police générale qui lui offre la possibilité de prononcer la réquisition de locaux vacants nécessaires au logement des personnes ou des familles sans abri et ceci sans qu’un texte le prévoit expressément (CE 15 février 1961 Werquin).[]
  3. www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/22/nous-demandons-une-conference-citoyenne-pour-eradiquer-le-mal-logement-a-marseille_5386919_3232.html et https://www.liberation.fr/debats/2018/11/23/marseille-ville-en-peril_1693793[]