Poussy Draama

Portrait : Poussy Draama

Draamaturgie

« Poussy Draama, artiste multimédia, performeuse, activiste queer, féministe et alter-narratrice. » Vous n’avez pas tout compris ? C’est normal, Poussy Draama refuse de trop clarifier son action artistique et activiste… Tentative d’explications, penseurs mainstream s’abstenir.

Si Poussy Draama choque, bouscule via le texte lu, la vidéo, la danse, c’est pour proposer des « narrations alternatives à celles dominant le monde, en essayant d’être tout-terrain au maximum… Pour moi, résister au capitalisme, c’est échanger en dehors d’un système pécuniaire. » Point de droits d’auteurs ou de propriété intellectuelle ici, c’est l’échange et la compréhension qui doivent avant tout régner entre les personnes, qu’elles soient artistes ou non…
« Pour moi, il n’y a pas de quatrième mur, on parle au spectateur dans les yeux. » Avec Poussy Draama, le rapport au public prend une toute nouvelle dimension. Elle considère en effet que les workshops mis en place avec son acolyte Fannie Sosa sont de réels échanges de savoir, de parole et de création qui tendent à devenir des pièces d’art en soi. « On y apprend à apprendre et à enseigner ; on travaille sur des jeux pour développer la confiance, l’échange ; on aborde le consentement qui reste une notion très floue, surtout chez les jeunes gens… Ce qui me fait vivre et créer, c’est guider les autres afin qu’ils apprennent à penser par eux-mêmes en se libérant du prisme dominant. Avec Fannie, on essaie de vivre joyeusement les paradoxes et de construire subtilement une pensée. »
Dans sa dernière performance, Shock / Method / Love, elle réalise une première partie explicative sur la théorie du « Decolonized the gaze » : « C’est une notion explorée dans les années 70, expliquant que le cinéma est principalement construit autour d’une vision patriarcale qui fait du mal à la condition des femmes, mais aussi des hommes. » En évitant l’écueil de la caricature féministe, elle poursuit sa performance en exposant son vagin à l’assemblée grâce à une caméra. « L’idée est simple : en quoi est-ce fort de montrer sa chatte aujourd’hui en direct alors que l’on en voit partout dans les médias ? »
Poussy Draama ne symbolise pas un féminisme souvent décrié, mais un féminisme ouvert, intégré dans des questionnements plus larges, qui offre encore plus de sens à l’action de cette jolie blonde a priori délurée et a posteriori passionnante. « Pour moi, la lutte féministe est liée au transgenre, non binaire comme l’approche homme/femme. Il faut mêler les études de genre et les études féministes à toutes les luttes évoquant les races, les classes, les couleurs, les religions… le féminisme est pour moi collectif et doit aller au-delà des positions sociales. (…) En tant que faiseuse d’image, j’ai le devoir de montrer des alternatives, je travaille notamment sur la pornographie, qui nous montre des images éloignées du réel. La sexualité est multiple et personnelle, mais on peut proposer des alternatives éducatives et excitantes. Je trouve que le porno est à l’image de tout le mainstream que l’on nous propose, assez unilatéral… Même si c’est vain de vouloir donner un goût réaliste à la pornographie, en n’isolant pas les rapports humains de la sexualité, il reste une zone d’ombre, le lieu de la séduction et de la rencontre… Tout ce que le porno actuel ne montre pas. »
Hors cadre et multifacette, Poussy Draama adapte la forme au fond afin de participer à la perpétuelle construction du féminisme et de la performance. On pourrait se laisser à penser  que Poussy Draama est folle… Oui, follement sensée.

Elise Lavigne

 

Rens. of-course-i-want.net / sosadraama.tumblr.com / www.facebook.com/poussy.draama

 

Les 3 commandements du féminisme par Poussy Draama

  1. « La première utilité du féminisme est de pouvoir être soi-même sans se faire emmerder : porter un foulard si j’en ai envie, être en mini jupe, ne pas être défini comme homme ou femme si je ne le veux pas… En somme, arrêter de devoir se justifier sur qui on est… Ce que le féminisme m’a appris, c’est d’essayer de comprendre l’autre sans lui mettre une étiquette. »
  2. « Travailler en cercle et non en hiérarchie pour décortiquer tous les systèmes de contrôle, de pouvoir et de savoir du monde. Moi, c’est par le biais du féminisme, mais il y a d’autres portes d’entrée. Il y a une phrase d’Audre Lorde, “The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House”, qui signifie que l’on est obligé de créer de nouveaux outils pour démanteler les mécanismes d’oppression, accepter de dire au revoir à son ego et travailler en communauté, travailler en dehors des liens binaires, en solidarité, en compassion. »
  3. « Etre tout-terrain. Le féminisme se passe dans la rue, dans tes rapports amoureux, dans des boîtes de nuit, sur la scène, dans des expos. Le féminisme est avec toi, il est partout, tout le temps. »