L'interview : Ohmodron

Puisque faire de la musique noise n’est pas synonyme de guitare, puisqu’on peut faire crier des machines et poser en chaussettes, le tout jeune duo marseillais sort son premier album et se paye des concerts dans la foulée. Rencontre avec Nicolas et Pedro.

 

Vous parlez de résistance musicale, vous vous interdisez même guitares et laptops… Comment décririez-vous votre musique ?
Pedro :
On ne pense pas du tout aux références quand on joue, mais à l’écoute, tu trouveras sûrement des similarités avec Pauline Oliveros, Vladimir Ussachevsky, Eliane Radigue, mais aussi avec des artistes plus actuels comme Sunn o))), Duane Pitre ou encore le premier Earth… On en avait marre de jouer de la guitare ou de traîner sur facebook ! Blague à part, on voulait proposer autre chose que des concerts assis derrière nos ordinateurs, et retourner vers une démarche « primitive » et spontanée avec des machines : appuyer sur des boutons et prêter attention même aux accidents.
Nicolas : En fait, quand on a monté ce projet, on ne savait pas trop ce qu’on voulait faire… Comme on joue ensemble dans un autre groupe (Eastern Committee) et qu’on écoute plein de trucs différents (folk, ambient, vieux enregistrements électroacoustiques des pionniers, mais aussi hardcore, harsh noise, black metal…), on a voulu faire quelque chose d’assez poussé dans ces différentes directions tout en restant relativement ouverts. En termes d’influences, je citerais aussi les futuristes italiens, Scriabine ou encore Merzbow.

Sur quoi composez-vous ?
Nicolas :
De mon côté, j’essaie d’utiliser un peu tout ce qui me tombe sous la main. J’aime bien détourner des synthés bien pop comme le Moog Minitaur qui fait des grosses basses monophoniques, un genre d’instrument jouet le Tenori-On passé à travers un filtre dégueu, histoire de lui rajouter un grain distordu, le Skull Etching de Dirty Electronics que j’ai monté, bien que je sois un piètre soudeur, et puis d’autres oscillateurs.
Pedro : J’utilise des oscillateurs trafiqués avec des effets divers, des samplers, du field recording, et un synthé photosensible, le Photosizer, construit pour un ami technicien/électronicien qui vit en Argentine.
Nicolas : Et par rapport à notre credo « no guitar no laptop », on passe nos trucs dans des amplis de guitare quand même, parce qu’on trouve ça drôle. On ne compose pas, on joue et puis c’est tout ! Et d’ailleurs, on triche, puisqu’on utilise un ordinateur pour l’enregistrement, mais on pourrait faire pareil avec un magnétophone. En live, tout peut arriver. On a hâte de tester nos idées en public.

Comment avez-vous découvert ces machines ?
Nicolas :
Comme un gros nerd, en allant regarder des vidéos de reviews sur le net, des forums ou en parlant avec d’autres nerds.
Pedro : Par curiosité, en cherchant quelque chose de différent pour s’exprimer.

Y a-t-il une volonté de ne pas pouvoir clairement identifier les sources musicales, de rester « bizarre » ?
Nicolas :
Pas vraiment, on ne s’en rend pas compte. On a juste voulu faire quelque chose d’un peu brut(te), dans tous les sens du terme, qui puisse à la fois passer pour de l’indus « bizarre », effectivement, avec des rythmiques déstructurées, mais dont on essaye de sortir rapidement pour passer par des drones monolithiques, du signal carré bien saturé qui pète tout sur son passage, utiliser des samples de voix un peu fantomatiques, jouer avec des ondes étranges, bref comme si on se passait au goudron, ce qui est drôle dans Lucky Luke, mais qui doit faire bien mal en réalité… On parle de trucs super bizarres, en fait.

Le futur ?
Nicolas:
Continuer d’évoluer nous-mêmes et faire évoluer notre forme, tout en restant fidèles au « no guitar, no laptop ». Essayer de faire découvrir notre musique ailleurs qu’à Marseille… à Lyon, Paris ou, soyons fous en Europe. Mais aussi trouver un label qui veuille bien sortir notre LP en vinyle !

Et si vous aviez la possibilité de faire la première partie de Michel Sardou ?
Nicolas:
Je serais très honoré de jouer avec Michel, une de mes idoles. Rien que l’idée de jouer Le lac du Connemara me rend tout chose… On pourrait lui proposer un concept album expérimental/noise sur Le Bac G, par exemple, comme il a essayé de faire un remix de Etre une femme.
Pedro : C’est qui Michel Sardou ?

Propos recueillis par Jordan Saïsset

 

Ohmodron, en concert le 5/04 avec Vie de Chien Rouge aux Demoiselles du Cinq (5 rue de l’Arc, 1er) et le 17/04  avec Sightings à l’Embobineuse (11 Bd Bouès, 3e).
Rens. www.ohmodron.bandcamp.com