Guy Robert

Portrait : Guy Robert

Presque célèbre

 

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous, ça veut dire beaucoup… L’ex chroniqueur de Ventilo Guy Robert est de retour en ville avec, dans ses bagages, un recueil d’anecdotes relatant ses rencontres avec des célébrités, dessinant en creux un autoportrait raffiné et pince-sans-rire.

 

Il a beau « s’appeler comme tout le monde », Guy Robert n’est pas n’importe qui. A la rédaction de Ventilo du moins, il est nimbé d’une aura particulière, son talent ayant éclaboussé nos colonnes — ainsi que celles du Ravi — pendant de nombreuses années. C’est au sein d’une autre rédaction, celle de Taktik (le premier gratuit culturel de France, ancêtre de Ventilo), que nous l’avons rencontré. Il était alors administrateur de la Minoterie et auteur à ses heures perdues, écrivant des pièces souvent hilarantes sur commande et rédigeant des chroniques éminemment spirituelles sur à peu près tout et n’importe quoi.
En 2009, il part pour La Réunion, où il se chargera d’administrer le Centre dramatique national, avant d’en devenir le co-directeur. Sur son île, « un monde à part, à la fois en France et vraiment ailleurs », il change radicalement de vie. Passe son temps à travailler. Mais, « les yeux fixés sur la barrière de corail, il ne trouve plus le temps d’écrire. » Malgré un environnement pour le moins pittoresque, notamment au niveau de la politique locale (« L’adjoint à la culture du Conseil général s’est fait prendre parce qu’il avait volé des plants dans une pépinière… C’est comme si Guérini piquait dans un supermarché ! »), les idées ne viennent pas. « J’avais bien commencé un truc, deux lignes que je n’ai même pas écrites… J’ai pensé faire quelque chose sur les Johnny, un prénom très répandu là-bas. Notre commissaire aux comptes s’appelait Johnny. A La Réunion, tu peux écrire un mail à Johnny. Tous les jours, j’ai rencontré Johnny. »
Comme un symbole, c’est dans l’avion du retour pour Marseille qu’il se remet à écrire, rédigeant même un bon tiers de son « premier livre, ou presque » pendant les onze heures de vol. L’idée de départ ? Raconter ses rencontres de hasard avec des célébrités, en commençant avec les Rolling Stones en 1966, non loin de la Corniche. Il y aura ensuite, en vrac, Marie Laforêt, Michel Hidalgo, Pompidou, Brejnev, Aragon, Dutronc, Brel, Belmondo… Extrait : « J’ai appris à sa mort que Pierre Bachelet avait également vécu près de chez moi. Au Nord, c’était les Corons, au Sud, c’était sa villa. »
Farouchement décidé à faire éditer son recueil, Guy le donne à lire à son ami, l’immense Eric Chevillard (« Le meilleur écrivain actuel selon moi, même si ça ne veut rien dire »), qui « l’adoube » immédiatement. Problème : le livre n’est guère épais. Pour lui donner une taille acceptable par un éditeur, il lui faut donc tirer d’autres fils en lien avec la célébrité : la ressemblance (« Ce qu’on représente auprès dès gens que l’on croise »), particulièrement la sienne avec Daniel Auteuil, objet de quelques textes progressivement désopilants ; et puis l’homonymie, sujet qu’il connaît bien pour être affublé d’un patronyme extrêmement répandu. Notamment à La Réunion : « A un certain moment, un maire sur six s’appelait Robert. Ça m’a valu un bon accueil là-bas. »
Chevillard joue les entremetteurs avec la maison d’éditions L’Arbre Vengeur, qui marche immédiatement. Une évidence pour tous ceux qui se sont plongés dans ce Reconnus, se délectant de la plume élégante et de l’humour pince-sans-rire de son auteur. Un livre qui dépasse largement l’assemblage d’historiettes pour dessiner en filigrane une autobiographie minimaliste et pleine d’autodérision. Où l’on découvre un personnage un peu fanfaron, se targuant par exemple d’avoir mis Catherine Frot sur la route du succès. Un peu distrait aussi. Toujours drôle.
Si un deuxième tome paraît improbable, faute de matière, Guy aimerait beaucoup publier une version augmentée du premier — « s’il marche bien, et ce n’est pas parti pour. C’est dur quand on ne s’appelle pas Foenkinos… » —, notamment en racontant ses rendez-vous ratés avec le cinéma. La conclusion est déjà écrite : « Si le cinéma ne veut pas de moi, qu’il le dise clairement. »
En attendant, quand il ne prend pas le soleil sur la Corniche, Guy prépare une lecture illustrée musicalement — car monsieur joue aussi de la guitare, « comme tout le monde » — et songe à reprendre ses textes sur les hommes célèbres parus dans Le Ravi, « sous le titre Connus, pour la cohérence. » Les abonnés au mensuel satirique et les fins connaisseurs des saillies facétieuses de notre homme s’en frottent sûrement les mains.
« A huit ans, sur la scène de l’Opéra, j’ai serré la main du Préfet qui m’a remis le prix d’excellence des écoles. Récemment j’ai serré la main du Préfet qui m’a remis une assiette de petits-fours. Quand on part de trop haut, la vie n’est qu’une lente dégringolade. » Espérons que la trajectoire de Guy Robert est, au contraire, sur une pente ascensionnelle.

CC

 

En librairie : Reconnus (Editions de l’Arbre vengeur)

Rens. : http://www.arbre-vengeur.fr/?p=3017

Reconnus