diapositive

Portrait : Diapositive

Diapositive, loin des clichés

Quand deux des piliers du collectif Tcheaz décident de s’associer pour un projet de musique électronique, le résultat est si convaincant qu’ils en activent illico un label. Séance de projection (vers le futur) pour tous.

Au départ, c’est une équation complexe : comment sortir du lot commun de la production électro, chaque jour un peu plus fournie, au moment où tout le monde (ou presque) peut créer de la musique avec un simple ordinateur ? A l’arrivée, c’est pourtant systématiquement la même réponse : tout simplement en produisant de bons morceaux. Avec une identité, une accroche, ce petit quelque chose qui va les faire surnager dans le flot ininterrompu des sorties. Tel petit miracle n’étant pas monnaie courante à Marseille, c’est avec un réel plaisir que nous avons accueilli la sortie récente des deux premiers Ep de Diapositive — disponibles au format digital sur leur propre structure, Tcheaz. Deux sorties qui introduisent un univers aux différentes facettes, mais fort d’une vraie cohérence esthétique.


Musique graphique
Rendez-vous est donc pris avec Antoine et Matthieu Pernaud, les deux frangins de Diapositive, à la galerie Seize. Antoine, le cadet, gère en effet la galerie du secteur Notre-Dame du Mont, très portée sur le street art, espace qui accueille également en son sein des bureaux de design graphique. Car voilà, Antoine est graphiste, mais aussi responsable du light-show du groupe Nasser, et enfin musicien (batteur de formation). Son ainé, Matthieu, a pour sa part opté pour le piano, les synthés, et s’intéresse plus globalement à la matière sonore (sound-design, installations, sonorisation de spectacles à l’aide de capteurs). Autrement dit : deux garçons qui se connaissent mieux que personne, aux profils protéiformes et aux personnalités distinctes, naturellement complémentaires dans la gestion de leurs activités. Cela n’est bien sûr pas anodin, et peut aider à comprendre pourquoi leur nouveau projet en commun (ils font de la musique ensemble depuis toujours) sonne déjà aussi abouti (alors qu’il n’a été mis en chantier que l’an dernier). De la production, impeccable, à la nature évolutive des morceaux, tout est déjà en place. Qu’écoutons-nous au juste ? Pas si évident à dire — et c’est en soi une bonne chose. La musique de Diapositive se situe à la croisée de diverses mouvances très contemporaines, elle est robotique, narrative, plutôt lente et légèrement discoïde. C’est une sorte d’électro dégagée de tout impératif lié au dancefloor (même si elle peut le taquiner, notamment en live), privilégiant de fait les climats somnambules et les envolées astrales. Par facilité, on pourrait l’affilier au courant « nu-disco », mais non, ce serait encore trop réducteur. Seule certitude : cette musique érudite mais jamais prétentieuse ne porte pas en elle une quelconque trace de ses origines phocéennes, et nous renvoie plutôt à certaines productions de labels indépendants parisiens tels que Versatile (I:Cube), Tigersushi (Joakim) ou I’m A Cliché (Cosmo Vitelli). On n’en saura pas plus avec les intéressés qui, intelligemment, se gardent bien de dresser l’inventaire de leurs influences — tant leur musique se suffit à parler d’elle-même.

Tcheaz, d’hier à aujourd’hui
En revanche, on en saura un peu plus sur Tcheaz, qui avant d’être un label, a surtout été un collectif bien connu des nuits marseillaises. Créé en 2007 autour de divers activistes (Djs, graphistes, vidéastes…), il a d’abord incarné la réponse phocéenne à la vague électro « banger » qui déferlait au même moment. Dans le cadre de soirées bien arrosées, des musiciens du team Tcheaz (Dubmood, Freeze DBH, Nasser, Anticlimax…) donnaient alors la réplique à des invités officiant peu ou prou dans le même registre (Strip Steve, Danger, Léonard de Léonard…). Avec le succès naissant de Nasser (qui enchaine les bookings) et l’ouverture de la galerie, en 2009, Tcheaz commence petit à petit à se tourner vers d’autres esthétiques, d’autres activités, dans un geste assez naturel. A ce titre, la série de podcasts qui arrive bientôt sur son site web (quarante épisodes à ce jour) traduit bien les aspirations nouvelles du collectif : ne plus se cantonner à un seul « son », et multiplier les collaborations. De fait, un monde semble aujourd’hui séparer le Tcheaz des débuts (tapageur et bariolé) du Tcheaz qui devient officiellement un netlabel en 2013 (plus panoramique). Si l’univers visuel du collectif a toujours été servi par de talentueux graphistes (Spazm, Baze, Cros2…), les pochettes au design épuré qui ornent ces deux premiers Ep viennent confirmer cette impression : Tcheaz a pris un virage, et il est plus insaisissable, plus polymorphe que jamais. La prochaine sortie, signée par un producteur aixois (Tomalone) et prévue pour la fin du mois, sera encore différente. Quant à nos deux Diapositive, qui illustrent donc cette dynamique, ils préfèrent ne pas penser au format album (périlleux à leurs yeux au vu du contexte) pour se concentrer sur le live, et bien évidemment d’autres Ep. S’ils parviennent à maintenir ce niveau, la suite promet d’être passionnante.

PLX

En live le 30/06 au Waaw (17 rue Pastoret, 6e) dans le cadre d’une Tcheaz Party

Dans les bacs : Nightwalk Ep et Lunar Bottom Ep (Tcheaz Records)

Rens. www.tcheaz.com