Etoiles jaunes présenté au Théâtre Off

Etoiles jaunes présenté au Théâtre Off

Voix célestes

Avec Etoiles jaunes, le laboratoire du Théâtre Off lance un appel au devoir de mémoire.

Seule œuvre de fiction répertoriée au « Mémorial de la Shoah », la pièce de Frédéric Ortiz est inspirée de sa rencontre, fortuite, avec Ruth Freschel, Marseillaise enlevée à sa vie, jetée aux Baumettes et déportée à Auschwitz via Les Milles. De cette rencontre, l’auteur a gardé l’émotion première qui pousse à l’écriture et qui semble se confondre en lui avec celle que son père, républicain espagnol, a emmenée dans son exil. Il choisit de raconter la déportation par la voix d’une petite fille et de sa mère, Hongroises fuyant les pogroms que nous suivons dans leur évasion, de leur arrivée à Paris jusqu’à la rafle qui les enverra à la mort. Ainsi, nous assistons à l’évolution de leur situation, ponctuée par les évènements de l’Histoire, annoncés par la radio : la débâcle, l’appel à la résistance. Par leur voix, nous apprenons les évènements qui les touchent au quotidien : l’exode, les familles qui disparaissent, les lois sur le port de l’étoile jaune qui légitiment un antisémitisme ordinaire.
Deux des caractéristiques de l’écriture d’Ortiz paraissent essentielles. La première est que ses mots se tiennent au plus près des actes, des situations et ne s’interdisent pas l’émotion — le pathos, diraient les partisans d’un théâtre cérébral et éviscéré. Ce faisant, il déroule en contrepoint le fil de sa pensée, sans en ficeler son texte. La seconde est qu’il ne dénie ni n’ajoute de dignité à ses personnages, faisant ainsi de l’humanité une valeur absolue indépendante des actes, ou en tout cas au-delà des contingences situationnelles. Au-delà de la mort même, d’où les héroïnes, voix célestes, nous demandent de témoigner.
Ruth Freschel n’a jamais voulu voir la pièce, l’émotion lui rendant insoutenable la douleur du souvenir, mais chaque soir, à l’heure de la représentation, chez elle, elle lisait le texte qu’un homme, Français d’origine espagnole, faisait dire pour elle, Française de confession juive, par une petite fille hongroise. Vous avez dit identité ?

Frédéric Marty

Etoiles jaunes : du 2 au 23/02 au Théâtre Off (14 quai de Rive Neuve, 7e).
Rens. 04 91 31 13 33 / www.theatreoff.com