Flux par le Théâtre du Centaure était présenté au Théâtre des Salins

Flux par le Théâtre du Centaure était présenté au Théâtre des Salins

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Variations de Flux

Depuis vingt-deux ans, Camille et Manolo deviennent centaures, ces êtres mythologiques mi-hommes mi-chevaux, loin de tout cirque équestre. Le propos de leur aventure est ailleurs, poétisant la relation de l’homme à l’animal. Avec Flux, la sensualité se retrouve au centre du voyage du spectateur.

D’abord placé devant une projection de toute beauté — une étrange cavalcade sur une plage du grand nord —, le public, tout ouïe et muni de casques audio, se laisse emmener par une fascinante femme-centaure vêtue de noir, qui traverse silencieusement l’audience avec autant de grâce que de force. Prêts à suivre leur guide, les spectateurs vont déambuler dans les espaces extérieurs et intérieurs du Théâtre des Salins, où se jouent en alternance projections vidéo sur les murs et scènes de fortune.
Hélas, après vingt minutes enchanteresses, l’envoûtement se brise, et c’est bien trop tôt : l’installation imaginée par le duo de cœur (sur la piste comme à la ville) semble connaître un problème de temps dans sa construction — entravant par là même la pérégrination de l’imaginaire du spectateur. On peine en effet à pénétrer dans le fantasme de l’homme-animal qui, malgré la qualité de jeu, demande un considérable effort mental. Sur scène, il y a bien deux corps, celui de la bête et celui du cavalier, contrairement aux images des projections qui, de cavalcade en chevauchée, avaient pourtant fait voyager notre imagination vers le désir poétique revendiqué par la compagnie. La qualité sincère de la relation presque amoureuse de l’homme à son magnifique destrier ne parvient cependant pas à séduire sur le long terme. L’attention du spectateur s’épuise, se lasse peu à peu d’une musique trop facilement émotionnelle — alors que les chuchotements en début de spectacle nous avaient séduits — et des images, pourtant belles, que les artistes ont fait surgir.
D’autant que le propos autour des flux— sanguins, lacrymaux, monétaires (!) — reste finalement anecdotique et l’évocation, en surface, mésestimant peut-être les potentialités d’analyse et d’appréhension de son public. On aurait aimé davantage de profondeur, et que le terme qui donne son titre à la pièce ne soit pas seulement un prétexte.
En somme, si les tableaux mis en scène ont le mérite de se révéler à nos yeux et d’exister, la direction du spectacle s’avère faible et tâtonnante. Les images nous touchent, et on ne peut que saluer le Théâtre du Centaure de les faire surgir, mais la composition de l’installation performative ne provoque aucune émotion, et la caravane passe…

Texte : Joanna Selvidès
Photo : Frédérique Chehu

Flux par le Théâtre du Centaure était présenté les 18 & 19/02 au Théâtre des Salins (Martigues)