Paprika - Animation (Japon - 1h30) de Satoshi Kon

Paprika – Animation (Japon – 1h30) de Satoshi Kon

Paprika est un objet original à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est l’œuvre attendue d’un cinéaste passionnant ayant réussi le tour de force d’offrir au spectateur, avec ses deux premiers « japanime », deux des meilleurs films… (lire la suite)

Epice(s) et tout

Paprika est un objet original à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est l’œuvre attendue d’un cinéaste passionnant ayant réussi le tour de force d’offrir au spectateur, avec ses deux premiers « japanime », deux des meilleurs films d’animation de ces dernières années (l’éblouissant Perfect Blue et le non moins enthousiasmant Tokyo Godfathers). Surtout : parce qu’il tisse un lien essentiel entre les expérimentations virtualistes de Mamoru Oshii (Ghost in the Shell, Avalon) et le cinéma de genre maniériste. Pour pénétrer dans les arcanes de Paprika, il faut pouvoir faire abstraction de son caractère bordélique. Depuis vingt ans, les auteurs japonais ont fait de l’animation un terrain privilégié pour l’exploitation des limites de la fiction face au réel et au virtuel. Du formaliste Mamoru Oshii en passant par le classique Hayao Miyazaki, la même préoccupation circule : celle de la possibilité d’une rupture entre imaginaire et réel, d’un espace où la fiction pourrait s’engouffrer. Or, ces tentatives passent parfois par une vision baroque, un goût prononcé pour le collage. Paprika, avec ses allers-retours incessants entre rêve et réalité, sa fusion parfaite entre 3D et animation classique[1] et son souci du moindre détail dans le foisonnement, en constitue l’expérience limite. Il faut donc accepter cet excès jusque dans ses hésitations. Il faut aussi accepter ce maniérisme assumé, ce désir fou d’accoler des citations cinéphiles les unes aux autres (Hitchcock, Kubrick, etc.) parce qu’il constitue la matrice du spectacle pop et ludique qu’est Paprika. C’est à cette seule (et finalement minime) condition que l’on peut se livrer avec délectation aux plaisirs insoupçonnés du cinéma de Satoshi Kon.

Romain Carlioz

Notes

[1] Rappelons que ce désir de fusionner jusqu’à l’enivrement animation virtuelle et animation classique constituait déjà le projet palpitant d’Innocence de Mamoru Oshii, auquel on pense souvent en voyant Paprika.