Pailhas cinq étoiles

Pailhas cinq étoiles

Pendant quelques jours encore, le Mac rend hommage à Roger Pailhas dans une exposition qui relie le parcours d’une vie à celui de l’art…

Pendant quelques jours encore, le Mac rend hommage à Roger Pailhas dans une exposition qui relie le parcours d’une vie à celui de l’art.

Les artistes ne sont pas les seuls acteurs du « monde de l’art ». Celui-ci s’inscrit dans un mouvement plus large où institutions, galeries, critiques, collectionneurs et public participent également à son fonctionnement. Qu’un musée d’art contemporain rende hommage à un homme qui a été collectionneur, galeriste et marchand témoigne de cet état de fait. Les œuvres ont besoin d’êtres montrées pour exister. Les artistes, pour être qualifiés comme tels, doivent être reconnus, même à une petite échelle. Que serait une œuvre qui resterait dans l’atelier et dont l’artiste serait le seul spectateur ? Certaines personnes provoquent et aménagent la rencontre entre l’œuvre et son « public », misent sur les qualités et l’importance d’artistes émergeants. Roger Pailhas était de ceux-là. Ainsi, l’hommage rendu au galeriste par le Mac n’est pas d’une exposition d’art contemporain comme les autres. Ce n’est pas un thème, une époque, une interrogation qui réunit toutes les œuvres présentées. Mais un homme, le regard et l’investissement d’une personne. Parallèlement aux œuvres, des documents permettent d’appréhender le parcours de cette vie. Quelles œuvres a-t-il aimées, quels artistes a-t-il soutenus ou découverts ? Quelles démarches a-t-il adoptées pour favoriser leur diffusion et leur promotion? Les nombreuses pièces exposées, très différentes, laissent supposer un regard éclectique, avec une prédominance pour un art plutôt conceptuel. Sa démarche aussi. Roger Pailhas commence par créer une association (l’Arca) au début des années 1980 et ouvre rapidement une galerie. Lors des foires d’art (la Foire de Bâle, la Fiac à Paris…), il opte pour une présentation d’œuvres sous forme de diapositives ou sur moniteurs vidéo, et confie la conception des stands aux artistes. Les œuvres qui s’adressent d’abord à la perception et l’imagination, tout en sollicitant la réflexion, s’avèrent particulièrement intéressantes. Ainsi de la projection vidéo réalisée par Bernard Bazile, Les chefs d’Etats, imposante, stimulante, qui explore les représentations médiatiques des hommes de pouvoirs et prend une dimension d’autant plus forte en période électorale… Les images télévisuelles se chargent de nouvelles significations par leur mise en relation et leur présentation. Quatre images, les unes à côté des autres, peuvent être montrées ensemble. Elles semblent accentuer les similitudes gestuelles des politiques : levant le bras de la victoire devant la foule, coupant le fil symbolique de l’inauguration d’un bâtiment… Face aux attitudes assurées, maîtrisées, calculées des chefs d’Etats, un homme torse nu, frêle, fait figure de contre-pouvoir. On vous laisse deviner de qui il s’agit… Les installations de Dan Graham sont elles aussi passionnantes à explorer. Two Viewing points nous fait pénétrer dans une petite pièce fermée. On se retrouve doublement face à nous-même : un miroir mural et un moniteur placé devant nous renvoient deux images à première vue identiques, mais qui se différencient sensiblement lorsqu’on effectue des mouvements devant eux. Une autre entrée nous montre l’envers du décor et le fonctionnement du dispositif… La Galerie Roger Pailhas est à l’origine de la reconnaissance de Pierre Huygue, figure désormais importante de la scène artistique internationale. Quelques-unes de ses œuvres, et non des moindres, sont présentées ici. Ainsi de Blanche neige Lucie et surtout de cette photographie, La Toison d’or, dans laquelle se joue toute une petite histoire. Ordre médiéval dont les armoiries représentaient des têtes d’animaux et blason de la ville de Dijon, La Toison d’or a donné son nom à un centre commercial, ainsi qu’à un parc d’attractions (récemment fermé). Une fable contemporaine se joue aux pieds d’une barre d’HLM : un groupe d’adolescents, portant des têtes d’animaux caractéristiques des personnages que l’on rencontre dans les parcs d’attractions, déambulent autour d’une aire de jeux. Ils rejouent l’histoire urbaine à l’intérieur de ses propres signes. Défenseur de l’art d’aujourd’hui, Roger Pailhas était aussi, en quelque sorte, un producteur, à l’origine d’un beau projet réalisé par Dan Graham et Jeff Wall, Le pavillon des enfants. A découvrir avant qu’il ne soit trop tard.

Texte : Elodie Guida
Photo : Mozziconacci & Sibran-MAC

L’art d’une vie, hommage à Roger Pailhas. Jusqu’au 7/04 au Mac (69 av d’Haïfa, 8e). Rens. 04 91 25 01 07